"Une œuvre d'art est un coin de la création vu à travers un tempérament."- Emile Zola
La notion de registre renvoie à l'émotion ou aux idées que l'écrivain souhaite faire passer à travers ses écrits.
En musique on parle de tonalités, terme qui s'adapte également à la littérature.
Ainsi, le registre comique, le registre tragique, le pathétique, le registre épique ou encore le registre réaliste et bien d'autres composent le paysage littéraire que l'on connait.
Le registre réaliste, en opposition avec le registre fantastique ou encore le registre merveilleux vise à susciter la pleine conscience du lecteur en lui exposant des faites réels et non des contes imaginaires.
C'est une sorte de témoignage qui souhaite mettre en avant le "vrai" et non le "beau" grâce à des personnages ordinaires.
Nous allons ci-après étudier le registre réaliste et ses procédés d'écriture mais aussi les grands écrivains réalistes et leurs œuvres.
Définition du registre réaliste
Le registre réaliste cherche à retranscrire la réalité ou à créer une illusion de la réalité.

En cours de français en ligne, les récits retranscrits s'inspirent de faits et/ou des personnages réels, sans décalage afin de donner une vision juste du monde dans lequel nous vivons.
À l’opposé de l’univers de la féerie et du merveilleux le registre réaliste exprime un désir de faire vrai, le plaisir de retrouver un univers de personnages familiers.
Ces personnages sont d'ailleurs bien souvent des personnes lambdas, ordinaires voire médiocres auxquelles le spectateur ou le lecteur peu aisément s'identifier.
Ainsi, la personnification est un des axes principaux du registre réaliste. Le genre réaliste ne présente pas des héros aux pouvoirs surnaturels, bien au contraire il met en lumière monsieur et madame Toutlemonde.
Les types de personnages qui peuplent l’univers réaliste incarnent la diversité des milieux sociaux :
- Le marchand, le moine, le paysan dans le monde médiéval,
- Le valet et son maître au XVIIe siècle,
- L’ouvrier, le bourgeois, l’employé de bureau de la société du XIXe siècle,
- Le salarié, le chômeur, le chef d’entreprise dans le monde contemporain.
Les scènes sont toujours des lieux connus de tous : une rue, un café, une maison ou encore une école. C'est ce que l'on appelle les décors de la vie quotidienne.
Le sujet des récits réalistes s'appuie sur le vécu ou les faits divers. Les auteurs se documentent très précisément sur le sujet qu'ils ont choisi afin de retranscrire l'ambiance du lieu et de l'histoire choisie dans les moindres détails.
Découvrez aussi le registre tragique.
Les procédés d'écriture réalistes
Le souci du détail des écrivains réalistes rend leurs récits très imagés et descriptifs.

De ce fait, on pourra retrouver une présentation très détaillée d'une pièce ou d'un personnage, jusqu'à la couleur des boutons de son veston ou le parfum qui émane d'une cuisine un soir d'hiver.
Il n'y a pas (ou pas souvent) de morale dans un récit réaliste puisque l'auteur dépeint la réalité brute.
De plus, la retranscription fidèle de la réalité et l'effacement de l'auteur ajoutent à cette neutralité assumée.
Loin du romantisme ou du symbolisme religieux, un écrit réaliste peut présenter un être pathétique sans fard ni carrosse, détailler violemment une scène crue ou encore émouvoir le lecteur par la véracité de ses propos.
Le champ lexical s'adapte à la scène dépeinte : on retrouve un langage familier, de l'argot dans un troquet ou une auberge par exemple.
L'auteur, dans un souci de coller au réel peut aussi utiliser des jurons ou des insultes.
La syntaxe est relâchée, avec des constructions incomplètes (on supprime le "ne" dans la négation) et l'usage de l'impersonnel ("on") ou lieu du pronom personnel ("nous").
On trouve aussi de nombreuses répétitions de mots et la présence de tics de langage afin de caractériser, d'individualiser encore plus chacun des personnages.
Pour résumer, on peut identifier un texte réaliste grâce à :
- La multiplication des détails authentiques,
- Des comparaisons, des métaphores familières pour alimenter l'effet de vérité,
- Des personnages ordinaires,
- Une certaine neutralité de l'auteur,
- Un lexique précis et détaillé,
- Des dialogues au discours direct.
En voici un exemple chez Zola tiré de sa célèbre série de romans Les Rougon-Macquart :
"Gervaise avait attendu Lantier jusqu'à deux heures du matin. Puis, toute frissonnante d'être restée en camisole à l'air vif de la fenêtre, elle s'était assoupie, jetée en travers du lit, fiévreuse, les joues trempées de larmes. Depuis huit jours, au sortir du Veau à deux têtes, où ils mangeaient, il l'envoyait se coucher avec les enfants et ne reparaissait que tard dans la nuit, en racontant qu'il cherchait du travail. Ce soir-là, pendant qu'elle guettait son retour, elle croyait l'avoir vu entrer au bal du Grand-Balcon, dont les dix fenêtres flambantes éclairaient d'une nappe d'incendie la coulée noire des boulevards extérieurs ; et, derrière lui, elle avait aperçu la petite Adèle, une brunisseuse qui dînait à leur restaurant, marchant à cinq ou six pas, les mains ballantes, comme si elle venait de lui quitter le bras pour ne pas passer ensemble sous la clarté crue des globes de la porte." - L'assommoir - Emile Zola
Ce récit on ne peut plus réaliste et imagé permet de s'identifier à la protagoniste principale, Gervaise.
Au delà du caractère polémique sur sa condition maritale (et féminine), se texte vise à susciter la pitié, la compassion du lecteur pour cette jeune femme esseulée et l'envie de jeter un blâme à son goujat de mari.
L'enchaînement des actions accentue les malheurs de cette pauvre Gervaise qui périra noyée dans l'alcool et le désespoir.
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Les thèmes traités dans le registre réaliste
Les thèmes traités dans ce genre littéraire sont nombreux avec comme dénominateur commun le constat, la critique sociale.

Voici une liste des thèmes et lieux majeurs que l'on retrouve dans le genre réaliste :
- L'espace domestique : on recrée au fil des siècles les décors de vie du lecteur (une maison bourgeoise, une ferme, etc.),
- L'espace et le temps de travail : les champs, l'usine, l'atelier, etc,
- Les lieux de rencontre et de loisirs : bals, fêtes, le métro, le cinéma, le café, etc.
- Les évènements familiaux ; naissance, mariage, deuil,
- Le corps humain et son rayonnement : ses fonctions organiques et ses besoins (la faim, la soif, le désir sexuel),
- La déchéance du corps humain : blessures, maladie, vieillesse.
Le héros réaliste est quant à lui bien souvent issu d'un milieu modeste voire pauvre. Il dénonce l'hypocrisie des plus riches, des nantis et désire ardemment acquérir la reconnaissance et la réussite sociale.
C'est d'ailleurs cette ferveur qui tiendra le lecteur en haleine jusqu'au dénouement final. Vous pourrez étudier cela en cours de français en ligne.
Les sous-genres du registre réaliste
La tonalité réaliste peut s'associer à d'autres registres selon l'orientation complémentaire recherchée par l'auteur.
Par exemple le registre pathétique avec la mort de Gervaise dans L'Assommoir de Zola ou encore le récit dramatique du naufrage du Saint-Géran dans Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre.
On se rapproche bien souvent aussi du registre politique, critiquant de façon implicite, sous le couvert des personnages, les puissants au pouvoir.
Un sentiment de révolte se ressent bien souvent dans les écrits de Zola qui ne saurait se défaire de ses idéaux politiques et sociaux le temps d'un roman, bien au contraire il démonte avec ferveur les mécanismes sociaux qui conduisent les individus à la richesse ou à la misère, au triomphe ou à la déchéance.
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Les grands écrivains réalistes et leurs œuvres
Les précurseurs du genre s'affirment au Moyen-Âge en prenant leur ancrage dans la culture populaire.

Ainsi, la farce illustre la condition humaine et ses tourments de l'époque sous les plumes acerbes de Villon, Rabelais ou encore Montaigne.
Quelques siècles plus tard Molière s'amusera à son tour à dépeindre les bassesses de l'Homme grâce à ses pièces de théâtre et ses personnages qui s'illustrent par leur vanité, leur avarice ou leur fourberie.
Le XVIIIème siècle pose les bases du nouvel élan réaliste, précédé par le romantique auquel il va complétement s'opposer.
La où le romantisme joue sur l'exagération des sentiments personnels, l'amour transi et le rêve illusoire, le réalisme parle de prison, de prostitution et de mendicité.
C'est au XIXème siècle que le registre réaliste connaîtra ses plus beaux récits, portés par des hommes dont le nom est encore cité dans toutes les salles de classe aujourd'hui.
En voici un aperçu.
Emile Zola (1840-1902)
Ecrivain et journaliste français, il est considéré comme le père du naturalisme (l'absence de fiction surnaturelle). Il est connu dans le monde entier pour son œuvre phare en 20 volumes les Rougon Macquart qui dépeint la réalité humaine et sociale de son époque.
Les titres les plus connus sont Germinal, Nana ou encore l'Assommoir ou la Bête Humaine.
Minutieux et méthodique, il se documente énormément avant d'écrire afin de s'imprégner de l'ambiance d'un lieu pour y capter le détail véridique.
Il observe et décrit le monde à la fois comme un artiste croque une scène et un scientifique étudie des données.
Grâce à sa métaphore efficace, les rythmes de ses phrases et sa construction narrative, il crée un monde fictif puissant, habité par des interrogations sur le corps humain et l'univers social.
Gustave Flaubert (1821-1880)
Considéré comme un des plus grand romancier de son siècle, il a marqué la littérature par ses analyses psychologiques fines, son regard lucide sur la société et bien évidemment son sens accru du réalisme.
Ses romans phares sont Madame de Bovary, Salammbô ou encore L'éducation sentimentale dans lesquels il dépeint avec justesse les comportements humains.
Guy de Maupassant (1850-1893)
Ecrivain et journaliste littéraire son œuvre se résume à 6 romans phares écrits en une décennie :
- Une vie,
- Bel-ami,
- Le Horla,
- Pierre et Jean,
- Boule de Suif,
- La Bécasse.
La force réaliste de ces romans en font encore des ouvrages plébiscités aujourd'hui.
Journaliste de métier il écrivit également des poèmes, des récits de voyage, des pièces de théâtres et des recueils de nouvelles.
Son style littéraire se traduit par des descriptions limitées, des phrases et des paragraphes courts qui donnent une mise en page aérée et agréable à lire.
Son champ lexical va du soutenu au langage populaire et argotique pour retranscrire au mieux le pittoresque dans certaines scènes et donner ainsi la parole à des personnages issus des basses classes.
Connaissez-vous le registre satirique ?
Stendhal (1783-1842)
Connu mondialement pour ses deux romans phares Le Rouge et le Noir et La Chartreuse de Parme, Henri Beyle de son vrai nom était un émissaire militaire de métier, l'écriture étant seulement une passion.
Ses 2 œuvres emblématiques le hissèrent au même rang que Zola ou Balzac. Son style économe et resserré dessert une recherche de la vérité toute aussi âpre et amère soit-elle dans le domaine de la psychologie.
Balzac fût un grand admirateur de son style dont il vante la précision réaliste : " il peint ses personnages et par l’action et par le dialogue ; il ne fatigue pas de descriptions, il court au drame et arrive par un mot, par une réflexion ".
Son récit est résolument autobiographique, il décrit les évènements de sa vie et en invente certains qu'il aurait rêvé de vivre mais toujours avec beaucoup de réalisme.
Il revendique la volonté de faire de chacun de ses romans un miroir, un reflet de la réalité sociale et politique de son époque qui s'applique à faire tomber les faux-semblants.
A vos stylos, qui a envie de s'essayer à l'écriture réaliste ?
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