Professeur expérimenté de mathématiques et physique, ancien élève de l'Ecole Polytechnique (France), donne cours pour élèves de gymnase, lycée français ou international, et Bachelor.

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• 1) Depuis quand développez­-vous un intérêt pour votre discipline et pour les cours particuliers ?

  Deux réponses pour chacune de mes disciplines d'enseignement, très différentes, que sont les sciences et l'art oratoire.
  J'ai développé un intérêt pour les maths et la physique au lycée, pas trop au collège. Rétrospectivement je me dis que c'est l'imparable logique des raisonnements mathématiques et la puissance prédictive des sciences physiques qui m'ont attiré, mais à l'époque c'était peut-être les bonnes notes et le pur plaisir d'aboutir à un résultat évaluable.
  Pour l'art oratoire, j'ai commencé en suivant un cours de débat en anglais façon Chambre des Communes pendant mes études à Polytechnique. J'ai immédiatement pris goût à cette mise en scène de soi sans autre masque que celui de l'éloquence, à ce risque du seul en scène et dans l'adversité d'un échange contradictoire, à cette latitude totale de dire bien des choses tantôt vraies et tantôt fausses -- et de tailler des costards à mes camarades. Ce qu'il y a de narcissique en moi s'y est aussitôt retrouvé et épanoui.

• 2) Dites nous-en davantage sur la matière enseignée, sur les thèmes que vous appréciez aborder avec les élèves (et éventuellement ceux qui vous plaisent un peu moins) !

  Contrairement à ce qu'on pense parfois, les mathématiques ne sont pas le calcul, loin de là. C'est un jeu de construction mentale qui part de briques aussi simples que possibles et élabore des structures de plus en plus complexes, en respectant des contraintes logiques strictes. Une fois qu'on a acquis les outils de base du lycée, ça devient assez vite vertigineux et grandiose. Quant à la physique, c'est la compréhension et surtout la prédiction des phénomènes naturels par les mathématiques, comme si on lisait dans le manuel de dieu. Je suis particulièrement féru d'astrophysique, qui permet de voir fonctionner la loi fondamentale de la gravitation jusqu'aux confins du cosmos. J'aime moins la chimie, et encore moins la chimie organique : il y a trop de choses à apprendre, et puis il faut porter une blouse pour être pris au sérieux :).
  L'éloquence consiste essentiellement à captiver un auditoire et être entendu. Un discours réussi, c'est d'abord un discours bien écrit ; et une fois mis en parole, c'est à la fois une entreprise de séduction, un sermon, et un spectacle. Quel que soit le contexte et le sujet il y a toujours une ligne de crête à naviguer, un équilibre à trouver entre l'interpellation solennelle et l'envolée lyrique, avec plus ou moins de cette mystérieuse épice qu'est l'humour. C'est encore l'arme de destruction massive du sophiste -- qu'il faut donc manier avec précaution.

• 3) Parlez-nous de vos modèles, que ce soit un professeur qui vous a marqué ou encore une oeuvre qui vous a inspiré !

  J'ai beaucoup de modèles mais il y en a deux, professeurs eux-mêmes, qui m'ont marqué très directement :
  Mon prof de physique en MPSI à Henri IV. A peine plus âgé que nous à l'époque et doux comme un agneau, modeste, patient et pédagogue comme pas un. Je suis resté en contact régulier avec lui, il écrit en parallèle de ses cours des romans de grande qualité. Un grand homme à tous points de vue.
  Mon prof d'anglais à Polytechnique, un Irlandais aux gros yeux bleus et rouge, dont le buffet menace de faire éclater le gilet de son costume 3-pièces et dont la voix illustre comme aucune autre la notion shakespearienne de "booming voice". Il a fallu ce génie de sociabilité, au talent d'orateur incomparable, pour me faire monter sur les planches et ravaler le snobisme qui me faisait mépriser toutes les activités de campus. A la fin de la première heure de son cours, il connaissait déjà les prénoms de chacun des vingt étudiants que nous étions et il avait réussi à tous nous persuader, nous moutons d'élite imbus de notre intelligence, que Cork était la capitale de son pays. Un personnage comme on en fait peu.

• 4) Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour être un bon expert dans votre domaine ?

  En sciences, les maîtres mots sont pour moi la clarté dans l'expression et la progressivité dans l'explication. Il s'agit de partir du plus simple, avec des illustrations concrètes, et raffiner petit à petit en vérifiant l'assimilation des concepts à chaque étape par des exemples et des exercices. Ça suffit, il n'y a souvent pas besoin d'aller chercher midi à quatorze heures. Un peu de charisme ne fait évidemment pas de mal non plus, comme en art oratoire... mais les sophismes en moins !
  En ce qui concerne les discours, pour peu qu'on ait le temps de préparer son intervention, je répète qu'il s'agit d'abord de bien écrire. Un discours qu'on est fier d'avoir écrit fait oublier sa timidité et facilite l'incarnation. Vient ensuite la composition, la mise en musique intérieure par la répétition à voix haute -- comme Flaubert à son gueuloir mais sans gueuler, parce qu'à ce petit jeu-là seul Flaubert survit. Si on n'a pas le temps de préparer et qu'on doit répondre à des questions, l'essentiel (et le plus difficile) est d'arriver à bien entendre ce qu'on nous dit, ce qui nécessite un degré de calme intérieur qui ne vient qu'avec la bonne maîtrise de son sujet. Après, il faut pratiquer, s'entraîner aux situations difficiles jusqu'à comprendre enfin que l'inspiration vient en parlant.

• 5) Une anecdote en rapport avec votre métier ou votre scolarité à nous raconter ?

  Quand j'ai commencé à enseigner les maths et la physique sur superprof : un élève de Première en perdition, que j'ai récupéré à 5 de moyenne au premier trimestre, et qui tape 18 au DS de géométrie suivant après trois cours ensemble. Quinze jours après, il accrochait un 19 en physique. Ses yeux brillants et ses "Ah, mais en fait, c'est facile !" me sont restés en mémoire pour toute la suite et m'ont donné confiance dans ma pédagogie.
  Une expérience en tant que plume. Je viens d'être embauché par le Secrétaire d'État aux Affaires Européennes (français), on est en 2016 juste après le Brexit, l'heure est grave. Le premier discours qui m'incombe porte sur la coopération académique. Après les salutations protocolaires aux présidents d'universités et autres chefs d'entreprise, il s'élance... et je ne reconnais pas le discours, je ne comprends rien de ce qu'il raconte. Furieux, déçu, je sors discrètement ma version du texte et je m'aperçois alors que si, il dit tout mot pour mot, mais avec son intonation à lui, toute différente de ce que j'entendais dans ma tête. C'était la première fois que j'écrivais pour quelqu'un d'autre, sans aucun contrôle sur son interprétation. Déroutant !

• 6) Vous pouvez maintenant nous rassurer et nous avouer que vous aussi, vous avez déjà connu des difficultés à l'école…

  Je mentirais si je disais que j'ai eu beaucoup de mal en sciences au lycée. Mais arrivé d'un établissement de province en classe préparatoire à Henri IV, j'ai pris la claque de ma vie. Les premières semaines, je ne comprenais rien, je fais 40e sur 45 au premier devoir de maths -- sentiment d'imposture, que fais-je ici, etc... Bref, il a fallu mettre son orgueil de côté et beaucoup s'accrocher. C'est cette combativité que j'essaie de transmettre à mes élèves quels qu'ils soient.
  L'année avant de suivre le cours d'éloquence de mon prof irlandais, j'assiste par hasard à la finale du tournoi de débat anglophone dont il est l'instigateur. Résidence du Président de l'Assemblée Nationale, atmosphère de gala. Ce que je vois m'impressionne moyennement et je me trémousse sur ma chaise, je trouve des réparties dans l'instant, j'ai envie de remplacer tout le monde sur scène. Mais quand vient le moment de participer à mon premier débat, dans un petit amphi de l'école, le stress m'emprisonne l'esprit, une question assassine me fait bafouiller pendant vingt très longues secondes, je perds mon fil et sèche lamentablement. Le début d'un apprentissage douloureux.

• 7) Aidez-nous à vous connaître un peu mieux en évoquant vos passions (que vous partagerez peut-être un jour via Superprof).

  Ma grande passion, outre les sciences et l'art oratoire, est l'écriture de romans. J'en ai publié un premier chez Gallimard en 2021, j'espère qu'il y en aura d'autres. C'est ce à quoi je travaille quand je n'enseigne pas, le langage restant ainsi mon maître-outil en toutes circonstances -- pour expliquer l'électromagnétisme aussi bien que pour travailler les fondamentaux d'un discours réussi, ou donc écrire mes livres.

• 8) Qu'est-ce qui fait de vous un Superprof (en plus d'avoir répondu à cette interview :-P) ?

  Ça, il faut le demander à mes élèves ! Moi je peux me dire que ma maîtrise du langage et le côté vivant de mes cours ne sont pas sans lien avec leurs petites épiphanies, mais au fond, je n'en sais rien.