"Le roman est autant un artefact verbal qu'un poème lyrique." - David Lodge
Le registre lyrique a pour but principal d'émouvoir le lecteur ou le spectateur.
Pour ce faire, il s'appuie sur l'expression des sentiments personnels et le registre des émotions comme la joie, les regrets, la nostalgie et le plus représenté dans l'écriture lyrique : l'amour et les souffrances qui peuvent en découler.
Comme pour le registre comique ou le registre tragique, l'auteur cherche à travers le lyrique à transmettre ses propres sentiments, ou ceux de son personnage au lecteur.
Ainsi, l'écrivain emploi des champs lexicaux, des procédés d'écriture et des sonorités spécifiques afin de donner une dimension lyrique à son texte.
Nous allons étudier juste après plus en détail le registre lyrique, ses figures de style et les plus grandes œuvres du genre.
Préparez les mouchoirs !
Le registre lyrique en français : définition
Le mot lyrique renvoie directement à la lyre, l'instrument dont jouait Apollon, dieu de la poésie dans la mythologie grecque.
Cette poésie peut tout aussi bien être désormais écrite en vers comme en prose.
Le lyrisme est un des aspects les plus anciens du discours humain, d'abord associé au genre religieux dont il reste des traces dans la prière et le cantique par exemple.
Le lyrisme est l’expression des sentiments personnels ayant une portée universelle, c'est LE registre des émotions pures.
On y traite bien souvent de l'amour, plus particulièrement de l'amour impossible ou des cœurs brisés. On touche presque aux limites du registre dramatique.
La poésie romanesque est le sujet phare de la tonalité lyrique, où l'on retrouve aussi la nature et ses paysages bucoliques, mais aussi la religion dans une certaine mesure pour illustrer ce romantisme débordant.
Le lyrisme est le registre des états d'âmes et de la mélancolie.
Intrinsèquement lié à la nature, les paysages et les saisons sont le reflet des émotions de l'auteur :
- L'hiver ou la métaphore de la fin, de la mort,
- Le printemps, son renouveau et sa candeur,
- L'été, flamboyant, éphémère, où le bonheur nous réchauffe le cœur,
- L'automne, annonciateur du déclin, porteur de mélancolie et de tristesse.
Ainsi, les saisons répondent à une autre thématique fortement représentée dans le genre lyrique : le temps. Ou plutôt la fuite du temps, inexorable, qui nous conduit fatalement à la mort.
Ce thème est traité par l'élégie, une sorte de poème lyrique qui met en lumière cette course contre le temps qui passe.
Guillaume Apolinaire illustre très bien ce thème avec une de ces odes les plus connues, Le Pont Mirabeau écrite en 1912 :
"Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face
Tandis que sous
Le pont de nos bras passe
Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante
L'amour s'en va
Comme la vie est lente
Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure" - Guillaume Apollinaire
Les textes lyriques laissent donc une place prépondérante aux états d'âme amoureux, à la confidence des émotions ressenties et de ce fait invitent le lecteur à se reconnaitre dans les sentiments évoqués.
Qui n'a jamais connu une peine de cœur au moins une fois dans sa vie ?
Ce genre littéraire vise à susciter principalement l'empathie du lecteur vis-à-vis de l'auteur grâce à la personnification émotionnelle.
Vous pourrez voir cela en cours francais si vous le souhaitez.
Connaissez-vous le registre fantastique ?
Les procédés d'écriture lyrique en français
Comme nous l'avons vu précédemment le registre lyrique met en lumière les sentiments humains, on retrouve donc majoritairement le champ lexical des émotions au cœur des écrits ainsi que celui de la nature.
On parle alors de vocabulaire affectif.
Le lexique religieux vient ici évoquer une force insensée voire céleste, un amour aussi fort que celui qui relie l'Homme à Dieu.
L'écrivain emploie bien souvent la première personne du singulier ( pronom personnel "je") afin de faciliter encore une fois la personnification et ainsi faire passer ses sentiments.
En cours de français, la narration à la première personne permet un accès direct aux émotions du poète lyrique.
Pour ce faire il utilise également le pathos, un ton légèrement pathétique afin de bousculer les passions du lecteur sans pour autant tomber dans la mièvrerie.
On retrouve également des figures de style propres au genre comme :
- La métaphore,
- Une ponctuation forte (exclamations, interrogations ou apostrophes),
- Des figures de comparaison et d'amplification comme les hyperboles,
- Des répétitions (anaphores),
- Des jeux sur les sonorités (assonances et allitérations).
Le lyrisme ne connait pas que des moments de gloire. Adoré de certains, vertement critiqué par d'autres auteurs, ce genre divise autant qu'il fascine.
La mise à nu de l'âme, des émotions est parfois apparentée à de la niaiserie ou de la sensiblerie de bas étage. Le pathos ne fait pas l'unanimité dans la sphère littéraire, notamment chez Gustave Flaubert qui moquera l'emphase de l'époque via son œuvre phare, Madame Bovary :
"Elle se laissa donc glisser dans les méandres lamartiniens, écouta les harpes sur les lacs, tous les chants de cygnes mourants, toutes les chutes de feuilles, les vierges pures qui montent au ciel et la voix de l'Éternel discourant dans les vallons " - Madame Bovary - Flaubert
Flaubert vient ici moquer ouvertement le fait qu'Emma se soit prise de passion pour les ouvrages romanesques, perdant le fil du temps et parfois même celui de la raison pour se réfugier dans un univers poétique aux limites de l'absurde.
L'utilisation de l'adjectif lamartinien fait référence aux poèmes de Alphonse de Lamartine, grand poète et dramaturge du XIXème siècle.
Son ouvrage Médiations Poétiques est un recueil caractéristique du lyrisme romantique. Il regroupe des poèmes célébrant la nature dans ses affinités avec la sensibilité humaine.
Voici un extrait du Vallon :
"Tes jours, sombres et courts comme les jours d'automne,
Déclinent comme l'ombre au penchant des coteaux ;
L'amitié te trahit, la pitié t'abandonne,
Et seule, tu descends le sentier des tombeaux.
Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ;
Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours
Quand tout change pour toi, la nature est la même,
Et le même soleil se lève sur tes jours.
De lumière et d'ombrage elle t'entoure encore :
Détache ton amour des faux biens que tu perds ;
Adore ici l'écho qu'adorait Pythagore,
Prête avec lui l'oreille aux célestes concerts.
Suis le jour dans le ciel, suis l'ombre sur la terre ;
Dans les plaines de l'air vole avec l'aquilon ;
Avec le doux rayon de l'astre du mystère
Glisse à travers les bois dans l'ombre du vallon.
Dieu, pour le concevoir, a fait l'intelligence :
Sous la nature enfin découvre son auteur !
Une voix à l'esprit parle dans son silence :
Qui n'a pas entendu cette voix dans son cœur ? " - Médiations Poétiques - Alphonse Lamartine
A travers ces strophes il faut entrevoir une critique de la condition humaine qui évolue ensuite sur un éloge de la nature qu'il rapproche avec Dieu dans une image méliorative.
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Les grandes œuvres lyriques en littérature
Apparu dès de VIIème siècle dans la littérature occidentale, le texte lyrique était avant tout de la poésie chantée, accompagnée d'une lyre.
Il se distingue de la tragédie et de l'épique par l'expression nouvelle de sentiments encore inavoués jusqu'alors : l'amour, la tendresse ou encore le désir.
Au Moyen-Âge, se sont les troubadours qui se retrouvent à chanter des chansons d'amour puis des balades destinées à courtiser les jeunes et belles dames de leur contrée.
Notons tout de même le nom d'une des seules femmes précurseure du genre : Hildegarde de Bingen.
Cette musicienne d'exception a écrit de nombreuses partitions reprises aujourd'hui par des ensembles musicaux de musique médiévale et inventé une langue poétique pour transcrire les visions mystiques dont elle était l'objet et grâce auxquelles elle communiquait avec la nature environnante.
Au XIXème siècle la poésie lyrique s'affirme en littérature et traverses les différents genres littéraires de l'époque : le drame romantique, le grotesque ou encore le comique lui conférant une fraîcheur et une modernité nouvelle.
L'art lyrique se retrouve également dans la musique avec l'opéra ou encore au cinéma jusqu'à nos jours. Vous pourrez voir cela en cours de français en ligne.
L'adaptation de Into the Wild, roman de Jon Krakauer au cinéma par Sean Penn en 2007 est un des symboles du lyrisme moderne.
Beau et tragique à la fois, ce roman (puis ce film) retracent la vie de Christopher MacAndless, jeune homme en mal de vivre dans une société consumériste et qui décide de revenir aux origines en s'exilant en Alaska sans aucun matériel ni ressource pour vivre au plus près de la nature.
Ce roman renvoie à un autre auteur qui à su distiller avec justesse le genre lyrique dans certaines de ses œuvres : Henri David Thoreau.
Son roman phare, Walden ou la vie dans les bois oscille élégamment entre chronique naturaliste (où la forêt est largement sublimée), roman autobiographique, satire sociale et ode lyrique grâce aux phases d'introspection et d'interrogation de l'auteur.
Loin des malheurs superficiels de son époque, il vient ici faire un bilan de sa vie et des habitudes accablantes de l'Homme en général, en appelant à la décroissance avant de connaître un sort encore plus funeste que la mort.
En littérature, le lyrisme se retrouve toujours dans les grands thèmes du genre à savoir l'amour, la mort ou encore le divin.
Victor Hugo nous offre une version presque tragique de l'ode lyrique dans son célèbre roman Les Contemplations où il pleure la disparition de sa fille Léopoldine :
"Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit." - Les Contemplations - Victor Hugo
Bien avant les heures sombres de Victor Hugo, de grands noms de la littérature française ont su donner leurs lettres de noblesse au genre lyrique comme :
- Charles Baudelaire,
- Paul Verlaine,
- Arthur Rimbaud,
- Gerard de Nerval,
- Alphonse Lamartine.
Ces grands poètes lyriques on su se démarquer par leur sens du verbe et donner ainsi un nouvel élan à la tradition lyrique.
De Nerval écrit son œuvre phare, Aurélia, à la fin de sa vie comme une sorte de bilan, de purge émotionnelle nécessaire pour quitter ce monde plus serein et léger :
"Mon rêve se termina par le doux espoir que la paix nous serait enfin donnée.
C'est ainsi que je m'encourageais à une audacieuse tentative. Je résolus de fixer le rêve et d'en connaître le secret . " Pourquoi, me dis-je, ne point enfin forcer ces portes mystiques, armé de toute ma volonté, et dominer mes sensations au lieu de les subir ?
N'est-il pas possible de dompter cette chimère attrayante et redoutable, d'imposer une règle à ces esprits des nuits qui se jouent de notre raison ?
Le sommeil occupe le tiers de notre vie . Il est la consolation des peines de nos journées ou la peine de leurs plaisirs ; mais je n'ai jamais éprouvé que le sommeil fût un repos. Après un engourdissement de quelques minutes, une vie nouvelle commence, affranchie des conditions du temps et de l'espace, et pareille sans doute à celle qui nous attend après la mort .
Qui sait s'il n'existe pas un lien entre ces deux existences et s'il n'est pas possible à l'âme de le nouer dès à présent ? " - Gérard de Nerval - Aurélia.
Ainsi le registre lyrique revêt mille et une facettes pour ce faire le témoignage vibrant des émotions humaines.
Peut-être avez vous d'ores et déjà dévoré une œuvre lyrique sans même le savoir ?
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