"Une pièce de théâtre, une comédie, une tragédie, un drame cela doit être une sorte de personne ; cela doit penser, cela doit agir, cela doit vivre." - Victor Hugo
Le registre littéraire d'un texte se définit par l'effet qu'il produit sur le lecteur selon la volonté de l'auteur. On l'associe à différents procédés stylistiques qui lui sont propres et facilement identifiables.
Le registre comique est une des tonalités les plus employées dans la littérature d'hier aux auteurs contemporains d'aujourd'hui.
Il rejoint les autres genres plébiscités par les écrivains à savoir le tragique, le lyrique, le dramatique, le réaliste ou encore le registre épique ou fantastique qui composent le paysage littéraire de notre époque.
De la tristesse à la joie en passant par la colère ou le fou rire, ces émotions sont régies par le choix des mots, des figures de styles ou des dialogues qui ont pour vocation de susciter ces sentiments à la lecture.
Ainsi, nous allons étudier comment définir le registre comique et son emploi dans la langue française.
Le registre comique : définition et utilisation
Le registre comique vise à susciter le rire et l'amusement chez le lecteur.

Au-delà du simple sourire, le comique provoque de prime abord l'étonnement, la surprise grâce à des éléments comiques.
Une chute malencontreuse, l'utilisation détournée d'un objet, une situation peu reluisante, tout ce qui prête à rire dans un second temps vous aura surpris dans le premier.
On distingue différentes pratiques du comique :
- Le comique de geste,
- Le comique de mots,
- Le comique de caractère,
- Le comique de situation.
Chacune de ses pratiques à pour objectif premier de faire rire mais peut aussi servir à dédramatiser une situation complexe ou à illustrer une critique sociale ou sociétale.
Chacune dispose également de ses outils, de ses codes syntaxiques propres.
Le comique de geste en français
Très utilisé au théâtre, le comique de geste ne reste pas moins représenté dans la littérature avec l'emploi des didascalies.
Ces indications scéniques permettent au lecteur de suivre l'action et les gestes de chacun des protagonistes, notamment l'agitation, le rire ou le désarroi.
Cela traduit aussi les grimaces et les mimiques.
Par exemple dans les Fourberies de Scapin de Molière, Scapin donne de grands coups de bâton sur le sac où est caché Géronte son maître puis fait semblant d'avoir été frappé lui-même :
" Il donne plusieurs coups de bâton sur le sac (...) En se plaignant et en remuant le dos, comme s'il avait reçu des coups de bâton."
Cela permet ainsi à chaque lecteur de comprendre et visualiser le cocasse de chacun des gestes effectués par les personnages de la pièce.
D'autres auteurs comme Eugène Ionesco dans son célèbre roman Rhinocéros, se servent des didascalies pour planter le décor de la scène à jouer, donner des détails précis sur les vêtements, les déplacements et les gestes des acteurs.
Elle peuvent ainsi s'enchaîner sur une dizaine de lignes avant de laisser la parole aux personnages.
Connaissez-vous le registre fantastique ?
Définir le comique de mots
Le comique de mots est un des procédés stylistiques les plus usités.

Le comique de mots s'appuie sur les différentes ressources du langage :
- La déformation de mots,
- Des prononciations inhabituelles (bégaiements, zézaiements, accents étrangers),
- Des langages inventés,
- Des figures de style, des hyperboles,
- Une façon de parler exagérée, déformée,
- Des jeux de mots, grossièretés, calembours,
- L'accumulation et la répétition.
Dans l'Avare de Molière, les spectateurs se rient d'Harpagon et de sa propension à injurier son fils ou son cuisinier pendant de longues diatribes fébriles.
Dans Le Bourgeois Gentilhomme, Monsieur Jourdain souhaite séduire une belle marquise en lui écrivant une lettre enflammée.
Il demande de l'aide à son professeur de philosophie qui enchaîne les formulations de plus en plus absurdes d'une seule et même phrase :
" M. Jourdain : "Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ".
Maître de philosophie : Il faut bien étendre un peu la chose.
M. Jourdain : Non, vous dis-je, je ne veux que ces seules paroles-là dans le billet ; mais tournées à la mode ; bien arrangées comme il faut. Je vous prie de me dire un peu, pour voir, les diverses manières dont on les peut mettre.
Maître de philosophie : On les peut mettre premièrement comme vous avez dit : " Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour ". Ou bien : "D’amour mourir me font, belle Marquise, vos beaux yeux". Ou bien : "Vos yeux beaux d’amour me font, belle Marquise, mourir ". Ou bien : "Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d’amour me font". Ou bien : "Me font vos yeux beaux mourir, belle Marquise, d’amour "."
En plus du comique de mots, on retrouve ici le comique de répétition grâce à l'enchaînement successif des mêmes mots selon différentes formulations.
Dans La Cantatrice Chauve, Ionesco joue lui aussi sur les répétitions mais cette fois-ci les répétitions de sonorités dans des phrases dépourvues de sens: "Les cacaoyers des cacaoyères donnent pas des cacahuètes, donnent du cacao".
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Le comique de caractère
Comme son nom l'indique, le comique de caractère met en évidence un trait de personnalité ou une idée fixe d'un personnage tourné en ridicule.

Bien souvent il s'agit d'un défaut ou d'un des vices d'un personnage que l'on caricature ouvertement pour susciter l'hilarité, une sorte de parodie implicite.
L'exagération est bien sûr de mise pour étaler aux yeux du public ce trait de caractère peu reluisant qui l'oppose souvent aux autres personnages.
Certains auteurs comme Rabelais se sont inspirés de trait de caractère de certains de leurs personnages pour dépeindre une critique sociétale sous couvert du caractère comique.
Ainsi dans Gargantua, le narrateur parodie les codes chevaleresques de l'épopée et en démontre les limites.
Le héros n’utilise pas d'arme noble mais des éléments cocasses comme l’urine du géant ou de la jument, un arbre, un bâton de croix pour se défendre. Il n’est pas valeureux ou courageux mais plutôt fuyard, goguenard et pillard, l'antithèse du héros.
Même dans le camp de Gargantua, le combattant est malmené : le frère Jean combat au nom du service "du vin" son "service divin " à lui à la fois risible et polémique.
Il jure comme un charretier, est vulgaire autant qu'il est courageux. Il combat avec son bâton de croix devenant ainsi la parodie grotesque des chevaliers croisés de l'époque.
Le comique de situation en français
Le comique de situation repose de fait sur une situation improbable et drôle.
Les personnages se retrouvent embarqués dans des situations inhabituelles, parfois gênantes pétries de malentendus et de retournements de situation.
Le schéma classique dans la comédie de situation est le quiproquo : un malentendu, une méprise sur l'identité d'un personnage, la nature et/ou l'usage d'un objet.
Molière était friand de ce genre de situation inconfortable qu'il distillait dans chacune de ses pièces comme l'Ecole des Femmes ou l'Avare.
Dans l'Ecole des Femmes, il est amusant de voir Horace confier son amour pour Agnès à Arnolphe qui a justement décidé de l'épouser en secret : ce dernier doit supporter d'entendre ces confidences qui attisent sa jalousie pour essayer de déjouer les plans d'Horace.
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Les registres littéraires inspirés du comique
Différents registres émanent du genre comique.

Humoristique à leur manière, ils peuvent à la fois émouvoir le lecteur, susciter l'interrogation, l'effroi, les souffrances sous le couvert des procédés comiques qui leurs sont propres.
Le registre burlesque
Le registre burlesque bien souvent narratif consiste à caricaturer les situations de vie, à travestir les individus (humanisation des dieux, animalisation des hommes) dans des termes bien souvent grossiers et contrastés.
Le terme "burlesque" s'emploie aujourd'hui couramment pour désigner un comique exagéré, extravagant qui repose généralement sur un décalage entre la tonalité et le sujet traité dans un texte.
Dans l'univers musical du siècle dernier, Georges Brassens était un maître en la matière. Il manipulait savamment les mots, savait marier les termes les plus nobles et lisses aux viles jurons entendus dans les cafés populaires. Un vaste champ lexical pour une argumentation des plus simplistes en soi.
Sa chanson Hécatombe en est une parfaite illustration :
"Au marché de Briv'-la-Gaillarde,
A propos de bottes d'oignons,
Quelques douzaines de gaillardes
Se crêpaient un jour le chignon.
A pied, à cheval, en voiture,
Les gendarmes, mal inspirés,
Vinrent pour tenter l'aventure
D'interrompre l'échauffourée.
Or, sous tous les cieux sans vergogne,
C'est un usag' bien établi,
Dès qu'il s'agit d'rosser les cognes
Tout l'monde se réconcili'.
Ces furi's, perdant tout' mesure,
Se ruèrent sur les guignols,
Et donnèrent, je vous l'assure,
Un spectacle assez croquignol."
A l'inverse, le burlesque peut utiliser un lexique délicat, précieux pour parler de choses dites vulgaires. Pierre Perret est à ce jour lui aussi un expert dans l'usage du genre comme sa chanson "Celui d'Alice" le confirme.
Il vient ici parler du sexe féminin en des termes raffinés, une poésie lyrique au niveau de langue distingué en hommage aux femmes qu'il teinte tout de même de références militantes et réalistes, sans aucune moquerie cependant à l'encontre de ces dernières.
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Le registre satirique
Le registre satirique utilise le comique pour tourner en dérision, dénoncer ou critiquer une situation donnée, une personne, ou un concept.
La satire emploie :
- L'ironie : figures d'amplification, antiphrase,
- Un langage péjoratif,
- Des allusions et des sous-entendus,
- La métaphore,
- La parodie.
C'est un registre que l'on associe souvent au registre polémique ainsi qu'au registre politique par son aspect critique et dénonciateur.
Cependant, loin de l'aspect purement argumentatif, la tonalité du discours s'appuie majoritairement sur l'humour et parfois même l'absurde
La Ferme des Animaux de Georges Orwell en est un parfait exemple.
Dans cet ouvrage, Orwell critique ouvertement le régime soviétique (et plus particulièrement le stalinisme) des années 40 par le biais d'animaux auxquels il à donné vie.
Ces derniers se rebellent contre les hommes et leur autorité et parviennent à prendre le pouvoir de la ferme dans laquelle ils vivent.
Très rapidement les cochons se dressent en maître et gouvernent la basse-cour encore plus violemment que le régime initial dans une simple imitation de l'homme abreuvé de pouvoir et d'autorité.
Le sarcasme est de mise tout au long des 10 chapitres qui suscitent à la fois rires et indignation chez le lecteur.
Le registre ironique
Le registre ironique consiste simplement à exprimer le contraire de ce que l'on pense ou de ce que l'on veut faire penser, non pour dissimuler la vérité, mais pour moquer la thèse adverse de façon totalement délibérée.
Ce registre est souvent utilisé dans des textes à caractère polémique.
Ainsi l'auteur invite le lecteur à lire entre les lignes en employant de façon inattendue des hyperboles ou des litotes entre autres sous-entendus plus ou moins explicites.
Il peut aussi y avoir un décalage entre le sujet et son traitement : dépeindre un sujet sérieux de façon légère, grivoise et inversement.
Le plus simple exemple, que l'on emploie couramment lorsque quelqu'un agit d'une manière qui nous dérange : "Ne vous gênez pas" qui vient ici exprimer de façon ironique notre mécontentement.
Alors, vous saurez à présent faire la différence entre l'ironie, la satire et le burlesque ?
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