Chapitres
François-Marie Arouet, mieux connu sous le nom de Voltaire, est né le 21 novembre 1694 à Paris, et mort dans cette même ville le 30 mai 1778.
Écrivain, dramaturge, poète, homme d'affaires, c'est surtout le plus connu des philosophes des Lumières, soit le courant de pensée qui marqua de son empreinte le XVIIIème siècle. Son influence est notamment décisive auprès des classes fortunées libérales, dans une période qui se clôturera par la Révolution française. Sa dépouille est d'ailleurs transférée au Panthéon dès 1791.
Nous allons, dans ce cours, présenter sa vie ainsi que ses œuvres les plus importantes, ce qui offrira de se pencher sur sa pensée et ses valeurs.

Biographie
Jeunesse
François-Marie Arouet est le fils de François Arouet, un notaire du Châtelet de Paris, et de Marie-Marguerite Daumart, qui meurt sept ans après sa naissance. À noter que Voltaire se réclamait plutôt de l'union de sa mère et d'un certain Roquebrune, qui aurait eu l'avantage, contrairement à son père officiel, d'avoir de l'esprit. Reste qu'en 1696, son père devient conseiller du roi, receveur des épices à la Chambre des comptes.
François-Marie rejoint le collège Louis-le-Grand, tenu par les Jésuites, dès l'âge de dix ans. Élève brillant, il y étudie les langues classiques, la réthorique, la versification et le théâtre. Il fait d'ailleurs publier dès 1709 un recueil de poèmes, Ode sur saint Geneviève.
Il quitte le collège en 1711 à dix-sept ans, annonçant à son père qu'il souhaite devenir un homme de lettres. Son père refuse et il s'inscrit à l'école de droit, où il rencontre la société du Temple, faite de membres de la haute noblesse et de poètes. Là encore, c'est une occasion pour travailler son art du vers.
Enclin à la provocation, il est envoyé dans différents endroits, à l'initiative de son père qui ne supporte pas ses incartades. Il écrit notamment des vers satiriques et irrévérencieux envers le Régent de Louis XV, ce qui lui vaut un emprisonnement à la Bastille durant onze mois.
Premier succès littéraire
À sa sortie, il ambitionne de devenir célèbre en écrivant de la tragédie et de la poésie épique, qui sont les genres les plus nobles de son époque. Pour rompre avec son passé, il s'invente son pseudonyme : il devient Voltaire.
Sa première pièce représentée sous ce nom sera Œdipe, en 1718. C'est un franc succès : le public apprécie ses vers semblables à des maximes et ses allusions rebelles au roi et à la religion. Il devient vite prisé dans les cercles les plus côtés.
Il connaît un autre immense succès en 1723 avec son poème épique, La Henriade, long de 4 300 alexandrins, et qui prend pour références les grands classiques (l'Illiade d'Homère et l'Énédie de Virgile). Ses contemporains l'associeront toute sa vie à cette œuvre, qui lui vaut le surnom de « Virgile français ».
Néanmoins, une altercation lui vaut un nouvel « embastillement » : il est roué de coups par des laquais du chevalier Guy-Auguste de Rohan-Chabot, à la suite d'une joute verbale, et cherche à se faire justice lui-même, ce qui agace les cercles nobles avec lesquels il est lié. Les Rohan obtiennent finalement son arrestation en 1726. Il n'est libéré qu'à la condition de son exil - ce qu'il fait.

L'exil
À 32 ans, voilà donc Voltaire débarquant en Angleterre. Cette période le marquera pour toute sa vie. Il est fasciné par la découverte de cette culture, en beaucoup de points absolument différente de celles des Français. Il y voit en particulier un esprit de liberté inconnu en son propre pays.
Il maîtrise très rapidement l'anglais, ce qui lui permet de fréquenter les grands noms. Il rencontre des écrivains, des philosophes et des naturalistes, ce qui constitue le point de départ de ses intérêts intellectuels. C'est là que s'opère sa mutation d'homme de lettres en philosophe.
Il est finalement autorisé à revenir en France en 1728.
Les protectrices
En 1734, il fait paraître Les Lettres philosophiques, qui font le bilan de ses découvertes anglaises. Entre-temps, il a rencontré Madame du Châtelet : une femme très intelligente, passionnée, comme lui, par les sciences. Effrayé par des poursuites judiciaires, Voltaire se réfugie chez elle, à Cirey, en Champagne, au cours de l'année 1734.
Là, ils mènent une vie de couple, malgré le fait que Madame du Châtelet est mariée. Ils s'adonnent à la science et à la philosophie, et se passionnent en particulier pour les découvertes récentes de Newton - que Voltaire avait rencontré en Angleterre. Ils finiront néanmoins par se brouiller.
Entre 1744 et 1747, la nouvelle protectrice de Voltaire se nomme alors Madame de Pompadour. Voltaire est en même temps nommé historiographe du roi et élu à l'Académie française en 1746. Malheureusement, Louis XV ne l'aime guère.
La vie à Ferney
En 1750, Voltaire est invité par le jeune roi de Prusse, Frédéric II. Il s'y rend plein d'enthousiasme, pensant trouver en lui la figure du « despote éclairé » qu'il fantasme. Mais la déception s'impose rapidement.
À son retour, il trouve refuge aux Délices, près de Genève. En 1760, il se fixe plutôt à Ferney, du côté français de la frontière suisse. Il contribuera à faire de ce petit village une ville prospère. Il y installe des fabriques et se fait seigneur éclairé, ce qui lui vaut à la fin le surnom de « Patriarche de Ferney ».
Il se tient au courant de l'actualité et reçoit de nombreuses visites. C'est, en somme, un homme important, qui profite de sa renommée pour prendre position : il défend la cause de Calas (1762), de Sirven (1764) ou encore du chevalier de La Barre (1766). Il est considéré comme un redoutable polémiste.
Fin de vie
En 1778 est représentée à Paris sa dernière tragédie : Irène. C'est un nouveau triomphe ; on l'acclame littéralement dans les rues.
Mais c'est aussi un voyage éprouvant pour le vieillard, qui souffre depuis 1773 d'un cancer de la prostate. L'effort se révélera donc fatal : il meurt à 84 ans.
Voltaire et les genres littéraires
Voltaire s'est donc investi dans différents genres littéraires, avec des succès presque omniprésents - en tout cas, selon les époques.
Voltaire, poète et dramaturge
La poésie et le théâtre sont les deux domaines dans lesquels Voltaire eut le plus de renommée auprès de ses contemporains. Pourtant, aujourd'hui, ces œuvres jadis acclamées sont tombées dans l'oubli.

On peut relever :
- une épopée, La Henriade (1724), qui prend Henry IV pour héros
- des poèmes philosophiques, sur les découvertes de Newton, sur le tremblement de terre de Lisbonne en 1755, sur la religion
- des poésies diverses en très grand nombre, aux tonalités satiriques, lyriques ou mondaines
- 27 tragédies, dont Zaïre (1732) et Mahomet (1741) sont les plus connues
- 6 comédies
L’autre jour au fond d’un vallon,
Un serpent piqua Jean Fréron ;
Que croyez-vous qu’il arriva ?
Ce fut le serpent qui crevaVoltaire
Voltaire l'historien
Dans la lignée de Bayle, de Fontenelle et de Montesquieu, Voltaire met au point des méthodes en histoire qui contribuent à en faire le premier des historiens modernes.
Il fonde ainsi sa démarche sur une documentation précise qui remonte jusques aux sources ; il confronte des thèses ; il déploie une analyse critique ; il simplifie et synthétise. Néanmoins, l'histoire reste un genre littéraire sous sa plume : on y sent l'importance de la clarté du style, la vivacité des portraits, le sens de la narration.
Parmi ses publications, on peut citer :
- Histoire de Charles XII (1731), un roi de Suède qui régna de 1682 à 1718
- Le Siècle de Louis XIV (1751)
- Essai sur les mœurs et l'esprit des nations (1756)
- Précis du règne de Louis XV (1766)
Voltaire le philosophe
Fatalement, Voltaire le philosophe est celui que notre modernité connaît le mieux. Ce sont en effet ses écrits philosophiques, illuminés par ses contes du genre, qui nous sont parvenus de manière décisive.
Voltaire a toujours lutté, dans ses idées, pour la tolérance. Son combat contre l'arbitraire et le fanatisme s'illustre notamment à travers trois œuvres :
- Les Lettres philosophiques (1734)
- Le traité sur la tolérance (1763) qui paraît en pleine affaire Calas et qui correspond à un plaidoyer pour le respect de l'autre, notamment vis-à-vis de son culte religieux
- Le Dictionnaire philosophique (1764) qui explique le combat de l'auteur contre le fanatisme, sous forme d'articles amusants et spirituels
Comme influence philosophique de Voltaire, on relève en particulier le sensualisme de l'Anglais John Locke (1632-1704), qui défendit envers et contre tout l'impératif de l'acquisition des connaissances.
Voltaire le conteur
Voltaire le philosophe est l'esprit le mieux connu parce que ses contes philosophiques se mettent au diapason de sa pensée, et ce sont ces écrits-là que le grand public connaît le mieux. A contrario, ils étaient considérés comme des œuvres mineures par ses contemporains.
Il n'en reste pas moins que Voltaire raconte des histoires amusantes avec beaucoup de talent et de vivacité qui illustrent en même temps de manière très claire ses idées philosophiques.
Relevons, parmi les plus importants, les titres suivants :
- Zadig ou la Destinée (1741)
- Micromégas (1757)
- Candide ou l'Optimisme (1759)
- L'Ingénu (1767)

Voltaire épistolier
Entre 1711 et 1778, Voltaire écrit plus de 20 000 lettres à environ 800 correspondants. Celles-là offrent donc une ressource inestimable quant à sa biographie et ses positions.
Il est d'ailleurs devenu un modèle dans le domaine de la lettre pour ses contemporains et pour les générations qui ont suivi.
Focus : Les lettres philosophiques et Candide
Penchons-nous sur deux des œuvres les plus caractéristiques de Voltaire pour saisir au mieux quelques-unes de ses idées.
Les lettres philosophiques (1734)
Il s'agit d'un texte politique et philosophique, parfois proche du pamphlet (= Texte court et violent attaquant les institutions, un personnage connu, Le Robert), composé de 24 lettres.
À 40 ans, après un en Angleterre, Voltaire est déjà connu comme poète et comme dramaturge, mais nourrit des ambitions autrement plus philosophiques. Il veut travailler sur des sujets sérieux, qui lui tiennent à cœur : l'intolérance, la religion, le commerce.
Devant le risque que fait peser la censure, Voltaire trouve un éditeur audacieux, situé à Rouen. Son texte paraîtra simultanément à Londres en langue anglaise.
Tandis que l'éditeur est, comme attendu, embastillé, Voltaire trouvera refuge chez Madame du Châtelet, à Cirey, en Champagne.
Néanmoins, cette première œuvre polémique connaît un grand succès, malgré la censure et les interdictions. Voltaire y présente l'Angleterre comme un modèle à tous les niveaux (religieux, politique, philosophique et littéraire) et attaque avec virulence les institutions et la société françaises.
Structure
- Lettre 1 à 7 : lettres consacrées à la religion, avec un accent mis sur la tolérance nécessaire
- Lettre 8 à 10 : relatives à la vie politique et sociale, au Parlement, au gouvernement ou encore au commerce, où le libéralisme de Voltaire se fait jour
- Lettre 11 à 17 : Voltaire parle de philosophie, avec des éloges pour les philosophes anglais tels que Bacon Locke et Newton
- Lettres 18 à 24 : Voltaire se penche sur la littérature, passant en revue les différents genres littéraires, et invite à mieux considérer les gens de lettres
- Lettre 25 : Voltaire réfute les Pensées de Pascal
Le commerce, qui a enrichi les citoyens en Angleterre, a contribué à les rendre les armes jusqu’au temps libres, et cette liberté a étendu le commerce à son tour : de là s’est formée la grandeur de l’État : c’est le commerce qui a établi peu à peu les forces navales, par qui les Anglais sont les maîtres des mers. Ils ont à présent près de deux cents vaisseaux de guerre : la postérité apprendra peut-être avec surprise qu’une petite île, qui n’a de soi-même qu’un peu de plomb, de l’étain, de la terre à foulon, et de la laine grossière, est devenue, par son commerce, assez puissante pour envoyer, en 1723, trois flottes à la fois en trois extrémités du monde : l’une devant Gibraltar, conquise et conservée par ses armes ; l’autre à Porto-Bello, pour ôter au roi d’Espagne la jouissance des trésors des Indes ; et la troisième dans la mer Baltique, pour empêcher les puissances du Nord de se battre.
Lettre X sur le commerce
Candide (1759)
Ce conte philosophique en prose est peut-être l'œuvre la plus connue de Voltaire. Il l'écrivit lorsqu'il préparait sa retraite à Ferney, alors que le tremblement de Lisbonne responsable de 30 000 morts l'a profondément marqué, et a sapé son optimisme.
Voltaire y attaque en les caricaturant les théories du philosophe allemand Leibniz, qui est ridiculisé dans son incarnation en Pangloss. La leçon finale que tire Voltaire des aventures de son héros candide, c'est que le spectacle du monde est désolant. Plutôt que de perdre son temps dans la métaphysique et les réflexions abstraites, il vaut mieux vivre et travailler en exerçant au mieux ses talents.
Toute la petite société entra dans ce louable dessein ; chacun se mit à exercer ses talents. La petite terre rapporta beaucoup. Cunégonde était, à la vérité, bien laide ; mais elle devint une excellente pâtissière ; Paquette broda ; la vieille eut soin du linge. Il n’y eut pas jusqu’à frère Giroflée qui ne rendît service ; il fut un très bon menuisier, et même devint honnête homme : et Pangloss disait quelquefois à Candide : Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin si vous n’aviez pas été chassé d’un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l’amour de mademoiselle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à l’inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches. Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin.
Candide ou l'Optimisme (excipit), Voltaire, 1759
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