Chapitres
Balzac, Illusions perdues (1837)
Partie III "Les souffrances de l'inventeur"
Explication
Après
 un premier échec social à Paris, Lucien Chardon, qui n’a pas encore pu
 reprendre le nom de jeune fille de sa mère, de Rubempré, décide de se
 suicider. Il rencontre le carrosse d’un diplomate espagnol, l’abbé
 Carlos Herrera, qui lui livre quelques conseils pour se faire une
 situation.
I - Questions d’observation
* Etudiez les modes et leurs valeurs dans le premier paragraphe. 3 pts
 On trouve trois modes dans cette première intervention de l’abbé.
 l’indicatif prend ici sa valeur de constat d’une réalité. L’abbé montre
 là la parfaite connaissance qu’il a de la société et de son mode de
 fonctionnement : " Votre société n’adore plus le vrai Dieu... "
On
 trouve ensuite de l’impératif : " soyez chasseur ". Il prend ici une
 valeur injonctive. L’abbé donne un conseil qu’il souhaite voir
 appliquer.
 Enfin, on trouve de l’infinitif : " Se donner un but
 éclatant ". Il a également une valeur injonctif, mais elle est plus
 atténuée, puisqu’il s’agit en fait d’une consigne à respecter, d’une
 méthode à appliquer. Plus impersonnelle, cette injonction devient
 universelle.
* Relevez une métaphore filée et étudiez-la. 3 pts
 L’abbé utilise la métaphore filée du chasseur, qui s’appuie sur le
 champ lexical de la chasse: " soyez chasseur, mettez-vous à l’affût,
 embusquez-vous dans le monde parisien, attendez une proie ou un
 hasard ". Cette métaphore, par les connotations de cette activité, fait
 ressortir la notion de virilité, qui manque peut-être à Lucien. Elle
 permet surtout d’exprimer la forte violence des rapports sociaux. Elle
 appuie enfin la démonstration de l’abbé sur la nécessité de se cacher,
 de mentir.
* Identifiez et étudiez les valeurs du présent et du pronom personnel dans le dernier paragraphe. 2 pts
 Le présent a d’abord une valeur d’habitude : " Comment vous
 conduisez-vous à la bouillotte ? ". Le pronom désigne alors pleinement
 l’interlocuteur. La suite est plus ambiguë : la valeur itérative et
 personnelle est toujours présente, mais le présent a aussi une valeur
 de vérité générale. De même, le pronom a peut-être une valeur plus
 générale, plus universelle. L’abbé part de l’anecdote pour arriver à la
 loi générale
II - Questions d’observation
* Vous étudierez le personnage de l’abbé. 7 pts
 L’abbé est un personnage étonnant. Son discours commence en effet comme
 un discours religieux, dénonçant les abus d’une société à laquelle il
 se sent étranger : " Votre société n’adore plus le vrai Dieu, mais le
 Veau d’or ". Cependant le sermon s’arrête là, car le prêtre va adopter
 un discours beaucoup plus machiavélique sur la réussite sociale : " il
 faut tout oser pour tout avoir ".
 De ce fait, il exalte dans son
 discours des pratiques contraires à la religion chrétienne, qu’il érige
 même en commandement : " observez la loi suprême ! Le secret ".Il
 recommande, pour étayer cette hypocrisie sociale, une violence,
 d’autant plus dangereuse qu’elle est secrète : " Soyez chasseur ". Tout
 cela fait donc de lui un personnage étonnant, courant cependant dans
 les romans d’aventures, celui du haut dignitaire de l’Eglise, plus
 homme d’Etat qu’ecclésiastique. On peut penser au personnage de
 Richelieu, dans Les Trois mousquetaires ", de Dumas.
 Ses relations avec Lucien sont également ambiguës. Il se comporte avec
 lui en initiateur, puisqu’il lui révèle le mode de fonctionnement de la
 société du Veau d’or. En un sens, il lui ouvre les yeux. Mais, il est
 surtout protecteur, puisqu’il lui prodigue des conseils pour lui
 permettre de réussir.
 Toutefois, certains gestes peuvent révéler
 une autre facette de son âtre : il prend la main de Lucien, il fait
 allusion à sa belle tête. Tout cela peut passer pour une relation
 paternaliste, mais Balzac suggère ainsi ce qui sera évident dans Splendeurs et Misères des courtisanes, à savoir l’ambiguïté homosexuelle de cette relation.
* Dans quelle mesure peut-on dire que l’abbé livre ici un travail d’argumentation 5 pts
 On remarque tout d’abord une forte disproportion du dialogue. L’abbé
 domine. Il cherche à convaincre Lucien de la nécessité de l’hypocrisie,
 et donc de la malhonnêteté, dans les rapports sociaux. Il lui donne
 même des conseils qui sont des ordres, il ne lui laisse donc pas le
 choix.
 Ses propos " effraye(nt) " Lucien. L’abbé se reprend alors
 et convoque pour les légitimer des exemples historiques célèbres : les
 Médicis, Richelieu, Napoléon. La diversité des exemples permet
 d’établir une lignée des ambitieux, dont le dernier maillon devient
 Lucien : " Vous n’avez rien, vous êtes dans la situation des Médicis
 (...) ". Pour convaincre, il faut aussi flatter.
Enfin, pour
 asseoir définitivement sa thèse, l’abbé a recours à un exemple de la
 vie quotidienne, celle du jeu. Dès lors, l’hypocrisie pour la réussite
 devient une évidence, comme le prouve la question de rhétorique de la
 dernière phrase : " Que diriez-vous d’un joueur assez généreux pour
 prévenir les autres qu’il a brelan carré ? ". Dès lors, il efface aussi
 les connotations violentes de la métaphore de la chasse, qui ont
 effrayé Lucien, pour les remplacer par celles de la bouillotte, celles
 d’un jeu chic.
© Stéphanie LASSABE - reproduction interdite



















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