Chapitres
C’est certainement la principale innovation du Code pénale de 1992. Cette nouvelle responsabilité était censée venir limiter les poursuites personnelles contre les chefs d’entreprise. On retrouve cette idée dans les motifs de la loi :
« Disparaitra la présomption de responsabilité pénale qui pèse sur des dirigeants à propos d ‘infraction dont ils ignorent parfois l’existence ».
Dans la plupart des cas, c’est le Proc’ de la République qui va décider en fonction des conditions et de différents critères, de l’engagement des poursuites. Il peut décider de poursuivre le chef d’entreprise seul, le salarié seul, les deux, le salarié et la personne morale, ou encore le chef d’entreprise et la personne morale, ou les trois.
Justifications théoriques et pratiques
Le Code Pénal de 1810 ne connaît que les personnes physiques. 
- à la particularité de l’incrimination : on avance qu’au regard de l’imputabilité : il n’est pas concevable d’imputer une faute à un être moral dépourvu d’existence réelle et de volonté propre
- la particularité de la répression : on fait observer que les peines privatives de libertés ne peuvent s’appliquer qu’à des êtres physiques et non à des entités juridiques.
Pour une partie minoritaire de la doctrine, il est possible d’envisager cette responsabilité.
Pour ce qui est de l’incrimination, il suffit de considérer que les personnes morales ne sont pas des êtres totalement fictifs, qu’elles peuvent faire preuve d’une volonté collective propre s’exprimant par exemple par le conseil d’administration. Quant à la répression, on fait valoir que les sanctions pécuniaires restent efficaces contre les personnes morales et il existe aussi des sanctions particulières comme la dissolution de la personne moral ou l’incapacité d’exercer une activité. Les chiffres du crime sont venus conforter les dernières thèses. En effet, la multiplication (2ème partie du XXème siècle) des personnes morales notamment des sociétés commerciales, s’est accompagnée d’une augmentation très sensible de nombreuses infractions (contre les biens : escroqueries, abus de confiance, fraudes fiscales, toutes les infractions aux lois sur les sociétés, règles relatives à la concurrence) commises par des personnes physiques au nom et sous le couvert d’une personne morale. Cette RP figure à l’article 121-2 du Code Pénal : modifié par deux lois dont la loi Perben II du 9 mars 2004. Une modification qui a conduit à la suppression du principe de spécialité gouvernant la mise en cause des personnes morales. Jusqu’ à lors, cette responsabilité n’était admise que « dans les cas prévus par la loi ou le règlement ». Désormais il est possible de retenir la RP des personnes morales pour TOUTES les infractions.
Domaine
- Les personnes morales concernées
- Les personnes morales de droit privé
Ce sont tous les groupements de droit privé dotés de la personnalité morale (ayant une capacité juridique..). On retrouve :
- les sociétés commerciales
- les sociétés civiles
- les associations : loi de 1910
- les fondations
- les groupements d’intérêts économiques
- les syndicats
- les partis politiques
- certaines institutions représentatives du personnel : comité d’entreprise par exemple etc..
A contrario, sont donc exclus, tous les groupement ne détenant pas la personnalité juridique existant simplement de fait. C’est le cas d’une association non déclarée, idem pour les sociétés créées de fait. Pour les groupements ayant la personnalité morale, la loi s’applique uniformément qu’il s’agisse d’institutions à but lucratif ou non, et que celles-ci soient françaises ou étrangères.
Les personnes morales de droit public
Il faut introduire différentes distinctions fixées par le texte :
- L’Etat n’est pas concerné par la RP car il est le titulaire exclusif du droit de punir donc il est inconcevable qu’il se sanctionne lui même par le biais des magistrats de l’Ordre Répressif et d’ailleurs le principe de séparation des pouvoirs ne supporterait pas ce pouvoir. En d’autres termes, l’Etat est pénalement irresponsable même si ses agents peuvent être déclarés personnellement responsables de certains de leurs actes.
- Les autres collectivités publiques : les collectivités territoriales représentées par les communes, les départements et les régions, ainsi que leur groupement comme les syndicats de communes ou les communautés urbaines sont pénalement responsables dans des conditions restrictives. Il faut selon le texte, que les infractions soient commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public. Il s’agit d’activité ne relevant pas de l’exercice de pouvoir exorbitant qui ne mettent pas en œuvre des prérogatives de puissance publique et qui ont souvent pour objet la gestion des collectivités. Exemples : transport ou cantine scolaires, ramassage des ordures ménagères, distribution de l’eau, gestion d’un musée, exploitation d’un théâtre …
Arrêt de la Chbre Criminelle 3 avril 2002 : il s’agissait de mettre en conformité l’installation électrique d’un théâtre municipal. Pendant l’exécution des travaux, un salarié de la Sté chargée de la réfection fait une chute mortelle, la commune est condamnée car son activité d’exploitante du théâtre municipal est susceptible de faire une délégation de service public. Les magistrats vont déterminer si l’activité en cause est susceptible ou pas d’une délégation de service public.
En revanche les activités accomplies au nom et pour le compte de l’Etat, sont par nature exclues du champ d’application de l’article 121-2 du Code Pénal : il en est ainsi pour les domaines suivant : les élections, maintien de l’ordre et de la sécurité, des services de l’Etat Civil, de l’enseignement public animation classe découverte : Arrêt 12 décembre 2000 Chambre Criminelle. Pendant longtemps la définition de la notion de la délégation du service publique appartenait au juge, depuis la loi Murcef du 11 décembre 2001 a établie une liste des délégations de service public.
- Toutes les autres personnes morales de droit public : les établissement publics, es sociétés d ‘économie mixtes, les entreprises nationalisées sont soumises au même régime que les personnes morales de droit privé.
Les infractions visées
On est passé d’un régime de spécialité à un régime de généralité justifié par un souci de simplification et de cohérence du Droit Pénal à l’égard des personnes morales. Avec le nouveau Code Pénal, la responsabilité des personnes morales ne pouvait être reconnue que dans les cadres prévus par la loi ou par les règlements. Au fil des années la liste de ces infractions n’avait cessé de s’allonger tant et si bien que certains auteurs considéraient que le principe était inversé. Nous étions déjà entrés dans un principe de généralité.
Il existait de graves incohérences ou lacunes.
En effet, la personne morale pouvait être poursuivie pour viol ou agression sexuelle, pour torture ou acte de barbarie. 
Conditions de mise en œuvre de la RP
Une infraction commise par les organes ou représentants de la personne morale (PM)
En tant que fiction juridique, la personne morale ne peut matériellement et intellectuellement réaliser une infraction que par l’intermédiaire de personnes physiques.
Mais elle ne sera poursuivie que si les agissements fautifs sont le fait de « ses organes ou représentant ». Ce sont les actes matériels de commission ou d’abstention de ces personnes (organes ou représentants) qui seront seuls susceptibles la RP de la personne morale. Les organes ce sont les personnes nommées par la loi ou les statuts pour diriger et agir au nom de la personne morale. Selon la nature de la structure il pourra s’agir d’un président, d’un directeur général, d’un administrateur pour les SA, d’un gérant pour les SARL, du Conseil Municipal, du maire … Les représentants sont des personnes ne faisant pas partie des organes mais qui ont le pouvoir de représenter la personne morale. Exemple : cas d’une personne recevant une délégation de la part des organes de la personne morale ou voire une subdélégation. Dans le même sens, la personne représentant une société devant une juridiction a également la qualité de représentant au sens de l’article 121-2. En ce qui concerne la faute, elle peut résulter d’une négligence, d’une imprudence ou d’une inobservation des règlements pour les infractions non intentionnelles, même si cette faute n’a causé qu’indirectement un dommage. La loi Fauchon du 10 juillet 2000 n’a pas modifié les conditions de mise en œuvre de RP des personnes morales. La réforme n’a visé que les personnes physiques. En d’autres termes, pour les personnes morales, il n’est pas nécessaire de distinguer que la faute est la cause direct ou indirecte du dommage.. On n’aura pas a ramener la preuve d’une faute qualifiée si la faute est directe, ou d’une faute simple si la faute est indirecte. Pour les infractions intentionnelles, il reste nécessaire d’établie l’existence d’une intention coupable à l’encontre de la personne physique qui agit pour le compte de la personne morale. Contrairement à la responsabilité des dirigeants supposant une faute distincte à la charge du commettant, la faute pénale de l’organe ou du représentant suffit à engager la responsabilité pénale de la personne morale sans qu’il soit besoin d’établir une faute distincte à la charge de celle-ci.
Une infraction commise pour le compte de la PM
Quelle est l’interprétation qu’ont retenu les magistrats concernant le vocable « compte » ? La JP a vraiment adopté une lecture extensive de la notion de « compte ». Pour les juges, cette notion, suppose que les agissements fautifs sont réalisés au nom de la PM, et/ou dans son intérêt. La JP retient une définition particulièrement large de l’intérêt, à savoir, qu’il suffit que la PM retire un bénéfice de l’infraction, qu’il soit matériel, moral, direct, indirect, certain, ou même éventuel : actes de pollution, travail clandestin, Néanmoins, les magistrats ne s’en tiennent pas seulement cette notion d’intérêt car certaines infractions, en pratique, ne procurent aucun avantage économique ou moral : cas de toutes les atteintes involontaires à la vie ou l’intégrité des personnes. Dans ce cas, il suffira que l’infraction soit commise au nom de la PM par un organe ou un représentant dans le cadre de ses fonctions de direction ou d’administration.
Cette définition très large du compte : seuls les actes accomplis dans l‘intérêt strictement personnel de leur auteur seront susceptible d’exonérer la PM de sa responsabilité.

Un des premiers arrêts ayant initié cette solution, Chambre Crim de la C.Cass du 20 juin 2006 : salarié fait chute mortelle, la société l’employant a été condamnée pou homicide involontaire car non respect de la réglementation applicable à la sécurité des travailleurs. Pour la C.Cass, cette société ne saurait reprocher au juge du fond de l’avoir déclarée coupable, du délit d’homicide involontaire sans préciser l’identité de l’auteur des manquements constitutifs du délit dès lors qu’un elle infraction n’a pu être commise pour son compte que par ses organes ou représentants.
La C.Cass va poser une présomption de commission de l’infraction de l’organe ou représentant. La même solution a été reprise dans un arrêt du 26 juin 2007 : un salarié se blesse en raison des imperfections du système de sécurité. : la C.cass retient la R de la société en relevant que « l’infraction n’a pu être commise pour le copte de la personne morale que par ses organe sou ses représentants même s’ils ne sont pas identifiés », elle confirme sa première JP.
A partir de l’établissement de l’existence de la faute à la charge de la société, la JP présume la première condition de l’engagement de la R. Dans d’autres arrêts, l’identification des organes et représentants n’est pas requise car les juges considèrent que les délits « sont le fruit de la politique commerciale de la société en cause ». Deux arrêts en particulier illustrant ce courant jurisprudentiel :
- Chambre Crim 25 juin 2008 : société poursuivie pour pub mensongère ; la C.Cass reconnaît « qu’une PM peut pétré condamnée pour pub mensongère sans que le délit puisse être imputé à un organe ou représentant bien déterminé dès lors qu’il est le fruit de sa politique commerciale voulue et organisée ». Cette nouvelle interprétation conduit à poser une présomption quasi-irréfragable de commission de l’infraction par un organe/représentant de la PM. Cette JP étend considérablement le domaine de la R des PM par la lecture de l’article 121 indice 2 du Code Pénal et un arrêt de la Chambre Crim 24 mars 2009.
- Cette interprétation nouvelle a fait l’objet d’une QPC en date du 11 juin 2010. La C.Cass a été saisie et considère qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel : la question ayant été posée par la Société Bureau Véritas condamnée d’un homicide involontaire : ils ‘agissait de faire constater que l’article 121 indice 2 du CP est contraire à l’exigence de précisions suffisantes de la loi pénale qui résulte de l’article 8 de la DDHC du 26 aout 1789.
La Cour de Cassation ne renvoie pas car :
- elle décide que la question n’est pas nouvelle
- la question posée sous le couvert de la prétendue imprécision des dispositions critiquées, tend en réalité, à contester l’application qu’en fait la Cour de Cassation. Le CC n’a donc pas à intervenir sur ce travail.
Conclusion concernant les PP et les PM : On pensait en 1992 lorsque l’on a admis la R des PM, que cette nouvelle R permettrait de faire diminuer notablement la R pénale des chefs d’entreprise. Mais en pratique, le but n’est pas véritable atteint. En effet, l’article 121 indice 2 alinéa 3 indique que la R pénale des PM n’exclut pas celle des PP auteurs ou complices des mêmes faits. Le cumul des poursuites est donc possible. Les dirigeants peuvent rester pénalement responsables à titre personnel lorsqu’ils commettent une infraction pour le compte de la PM, même si cette dernière est condamnée. En réalité, la décision revient aux tribunaux et plus particulièrement au Ministère Public, au Proc’ en vertu du principe d’opportunité des poursuites. En pratique, les magistrats privilégient l’engagement exclusif de la R de la PM. Cette solution s’explique aussi par l’existence de conditions de mise en jeu différentes de la R. Depuis la loi Fauchon de 2000, la R des PP lorsque le lien de causalité entre la faute et le dommage est indirecte ne peut être engagée que s’il est ramenée la preuve d’une faute délibérée de mise en danger ou d’une faute caractérisée. En revanche les PM sont R de toute faute non intentionnelle de leurs organes et représentants. Ces deux R coexistent cependant.



















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