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Après
 avoir lu tous les textes du corpus, vous répondrez à la question
 suivante (4 points) :
Après
 avoir identifié la forme commune des trois textes du corpus, vous
 direz quelles sont les spécificités de chacun de ces extraits.
Texte A : Alfred de MUSSET (1810-1857), Lorenzaccio (1834), Acte IV, scène 9
La
 pièce se passe à Florence, au XVI siècle. Lorenzo de Médicis a
 décidé d'assassiner son cousin Alexandre de Médicis, duc de
 Florence, qui gouverne en tyran. Le moindre détail de ce meurtre a
 été prémédité : Lorenzo a volé la cotte de mailles d'Alexandre,
 a arrangé un faux rendez-vous galant avec sa tante Catherine Ginori
 pour attirer Alexandre dans sa propre maison où attend en embuscade
 Scoronconcolo, un ami dévoué à Lorenzo. Lorenzo erre dans les
 rues, attendant l'heure du rendez-vous fatal.
Une
 place ; il est nuit. Entre Lorenzo.
LORENZO
 : Je lui dirai que c'est un motif de pudeur, et j'emporterai la
 lumière -cela se
 fait tous les
 jours -une nouvelle mariée, par exemple, exige cela de son mari pour
 entrer
 dans la chambre nuptiale, et
 Catherine(1) passe pour très vertueuse. -Pauvre fille ! Qui
 l'est
 sous le ciel si elle ne l'est
 pas ? -Que ma mère mourût de tout cela voilà ce qui
 pourrait
 5   arriver.
 Ainsi
 donc voilà qui est fait. Patience ! Une heure est une heure, et
 l'horloge vient de
 sonner. Si vous y
 tenez cependant -mais non pourquoi ? -Emporte le flambeau si tu veux
 ;
 la première fois qu'une femme se
 dorme, cela est tout simple. -Entrez donc, chauffez-vous
 donc
 un peu, -Oh ! mon Dieu, oui, pur caprice de jeune fille ; et quel
 motif de croire à ce
 10  meurtre ? -Cela pourra les
 étonner, même Philippe(2).
 Te
 voilà, toi, face livide ? (La lune parait.)
 Si
 les républicains étaient des hommes, quelle révolution demain dans
 la ville ! Mais
 Pierre est un
 ambitieux ; les Ruccellai seuls valent quelque chose. -Ah ! les mots,
 les mots,
 les éternelles paroles !
 S'il y a quelqu'un là-haut, il doit bien rire de nous tous ; cela
 est très
 15 comique, très comique, vraiment. -Ô bavardage
 humain ! Ô grand tueur de corps morts !
 Grand
 défonceur de portes ouvertes ! Ô hommes sans bras!
 Non
 ! non ! Je n'emporterai pas la lumière. J'irai droit au cœur ; il
 se verra tuer... Sang
 du Christ ! On
 se mettra demain aux fenêtres.
 Pourvu
 qu'il n'ait pas imaginé quelque cuirasse nouvelle, quelque cotte de
 mailles.
 20 Maudite invention ! Lutter avec Dieu et le
 diable, ce n'est rien ; maïs lutter avec des bouts
 de
 ferraille croisés les uns sur les autres par la main sale d'un
 armurier ! -Je passerai le
 second
 pour entrer ; il posera son épée là, -ou là -oui, sur le canapé.
 -Quant à l'affaire du
 baudrier
 à rouler autour de la garde, cela est aisé. S'il pouvait lui
 prendre fantaisie de se
 coucher,
 voilà où serait le vrai moyen. Couché, assis, ou debout ? Assis
 plutôt. Je
 25 commencerai par sortir ; Scoronconcolo est
 enfermé dans le cabinet. Alors nous venons,
 nous
 venons -je ne voudrais pourtant pas qu'il tournât le dos. J'irai à
 lui tout droit. Allons,
 la paix, la
 paix! L'heure va venir. -II faut que j'aille dans quelque cabaret ;
 je ne
 m'aperçois pas que je prends
 du froid, et je viderai un flacon. -Non ; je ne veux pas
 boire.
 Où diable vais-je donc ? Les
 cabarets sont fermés.
 30 Est-elle bonne fille ? -Oui
 vraiment. -En chemise ? -Oh ! non, non, je ne le pense
 pas.
 -Pauvre Catherine ! Que ma mère
 mourût de tout cela, ce serait triste. -Et quand je lui
 aurais
 dit mon projet, qu'aurais-je pu y faire ? Au lieu de la consoler,
 cela lui aurait fait
 dire : Crime !
 Crime ! Jusqu'à son dernier soupir ! [...]
(1)
 : Catherine Ginori, tante de Lorenzo
 (2) : Philippe Strozzi,
 Pierre et les Ruccellai appartiennent au clan des républicains,
 adversaires des Médicis
Texte B : Jean GIRAUDOUX (1882-1944), Electre (1938), entracte
Egisthe
 a épousé la reine Clytemnestre., veuve du roi Agamemnon, et a pris
 le pouvoir. Redoutant qu'Electre, fille d'Agamemnon et de
 Clytemnestre, ne se révolte si elle parvenait au pouvoir, il l'a
 promise au jardinier. Mais un étranger qui n'est autre qu'Oreste,
 fils d'Agamemnon et de Clytemnestre et frère d'Electre, fait annuler
 ce mariage. Le jardiner se retrouve seul, et occupe la scène pendant
 l'entracte séparant les deux actes qui composent la pièce.
Lamento
 du Jardinier
Moi,
 je ne suis plus dans le jeu. C'est pourquoi je suis libre de venir
 vous dire ce que la
 pièce ne
 pourra vous dire. Dans de pareilles histoires, ils ne vont pas
 s'interrompre de se tuer
 et de se
 mordre pour venir vous dire que la vie n'a qu'un seul but, aimer. Ce
 serait même
 disgracieux de voir le
 parricide s'arrêter, le poignard levé, et vous faire l'éloge de
 l'amour.
 5   Cela paraîtrait artificiel. Beaucoup
 ne le croiraient pas. Mais moi qui suis là, dans cet
 abandon,
 cette désolation, je ne vois vraiment pas ce que j'ai d'autre à
 faire ! Et je parle
 impartialement.
 Jamais je ne me résoudrai à épouser une autre qu'Electre, et
 jamais je n'aurai
 Electre. Je suis
 créé pour vivre jour et nuit avec une femme, et toujours je vivrai
 seul. Pour me
 donner sans relâche
 en toute saison et occasion, et toujours je me garderai. C'est ma
 nuit de
 10  noces que je passe ici, tout seul -merci
 d'être là -et jamais je n'en aurai d'autre, et le
 sirop
 d'oranges que j'avais préparé
 pour Electre, c'est moi qui ai dû le boire -il n'en reste plus
 une
 goutte, c'était une nuit de
 noces longue. Alors qui douterait de ma parole ? L'inconvénient
 est
 que je dis toujours un peu le
 contraire de ce que je veux dire ; mais ce serait vraiment
 à
 désespérer aujourd'hui; avec un
 cœur aussi serré et cette amertume dans la bouche -c'est
 15  amer,
 au fond, l'orange-, si je ne parvenais à oublier une minute que j'ai
 à vous parler de la
 joie. Joie et
 Amour, oui. Je viens vous dire que c'est préférable à Aigreur et
 Haine. Comme
 devise à graver sur un
 porche, sur un foulard, c'est tellement mieux, ou en bégonias nains
 sur
 un massif. Évidemment, la vie
 est ratée, mais c'est très très bien, la vie. Évidemment, rien
 ne
 va jamais, rien ne s'arrange
 jamais, mais parfois avouez que cela va admirablement, que
 cela
 20  s'arrange admirablement... Pas pour moi,.. Ou
 plutôt pour moi !... Si j'en juge d'après le
 désir
 d'aimer, le pouvoir d'aimer tout et tous que me donne le plus grand
 malheur de la vie,
 qu'est-ce que
 cela doit être pour ceux qui ont des malheurs moindres ! [...]
Texte C : Samuel BECKETT (1906-1989) Oh ! les beaux jours (1963)
La
 pièce a été publiée en anglais et jouée sons le titre de Happy
 days en 1961 avant d'être traduite en français par l'auteur en
 1963. Elle évoque le vide des Journées et des préoccupations de
 l'homme et développe la métaphore de l'enlisement dans la solitude
 ; tandis que Willie, la soixantaine, demeure muet et presque
 invisible tout au long de la pièce, sa compagne Willie, âgés de
 cinquante ans, parle et s'enlise progressivement au milieu d'une
 "étendue d'herbe brûlée s'enflant au centre en petit mamelon"
Scène
 comme au premier acte.
 Willie
 invisible.
 Winnie
 enterrée jusqu'au cou, sa toque sur la tête, les yeux fermés. La
 tête, qu'elle ne peut
 plus tourner,
 ni lever, ni baisser, reste rigoureusement immobile et de face
 pendant toute la
 5   durée de l'acte. Seuls les
 yeux sont mobiles.
 Sac
 et ombrelle à la même place qu 'au début du premier acte. Revolver
 bien en évidence à
 la droite
 de la tête.
 Un
 temps long.
 Sonnerie
 perçante. Elle ouvre les yeux aussitôt La sonnerie s'arrête. Elle
 regarde devant
 10  elle. Un temps
 long.
 WINNIE.
 -Salut, sainte lumière. (Un temps. Elle ferme les yeux. Sonnerie
 perçante. Elle
 ouvre les
 yeux aussitôt La sonnerie s'arrête. Elle regarde
 devant elle. Sourire. Un temps. Fin
 du
 sourire. Un temps.) Quelqu'un me regarde encore. (Un temps.) Se
 soucie de moi encore.
 (Un
 temps.) Ça que je trouve si merveilleux. (Un temps.) Des yeux sur
 mes yeux. (Un temps.)
 15  Quel est ce vers inoubliable ?
 (Un temps. Yeux à droite.) Willie. (Un temps. Plus fort.)
 Willie.
 (Un temps. Yeux de
 face.) Peut-on parler encore de temps ? (Un temps.) Dire que ça fait
 un
 bout de temps,
 Willie, que je ne te vois plus. (Un temps.) Ne t'entends plus. (Un
 temps.) Peut-
 on ? (Un
 temps.) On le fait. (Sourire.) Le vieux style ï (Fin du sourire.) Il
 y a si peu dont on
 puisse
 parler. (Un temps.) On parle de tout. (Un temps.) De tout ce dont on
 peut. (Un temps.)
 20  Je pensais autrefois... (Un
 temps.) ... je dis, je pensais autrefois que j'apprendrais à
 parler
 toute seule. (Un
 temps.) Je veux dire à moi-même le désert. (Sourire.) Mais non.
 (Sourire plus
 large.)
 Non non. (Fin du sourire.) Donc tu es ïà. (Un temps.) Oh tu dois
 être mort, oui, sans
 doute,
 comme les autres, tu as dû mourir, ou partir, en m'abandonnant,
 comme les autres, ça
 ne
 fait rien, tu es là. (Un temps. Yeux à gauche.) Le sac aussi est
 là, le même que toujours, je le
 25  vois. (Yeux à
 droite. Plus fort.) Le sac est là, Willie, pas une ride, celui que
 tu me donnas ce
 jour-là...
 pour faire mon marché. (Un temps. Yeux de face.) Ce jour-là. (Un
 temps.) Quel jour-
 là ?
 (Un temps.) Je priais autrefois. (Un temps.) Je dis, je priais
 autrefois. (Un temps.) Oui,
 j'avoue.
 (Sourire.) Plus maintenant (Sourire plus large.) Non non. (Fin du
 sourire. Un
 temps.)
 Autrefois... maintenant.-, comme c'est dur, pour l'esprit. (Un
 temps.) Avoir été
 30  toujours celle que je suis - et
 être si différente de celle que j'étais. (Un temps.) Je suis
 l'une, je
 dis l'une, puis
 l'autre. (Un temps.) Tantôt l'une, tantôt l'autre. (Un temps.) Il y
 a si peu qu'on
 puisse dire.
 (Un temps.) On dit tout. (Un temps.) Tout ce qu'on peut. (Un temps.)
 Et pas un
 mot de vrai nulle part.
 (Un temps.) Mes bras. (Un temps.) Mes seins. (Un temps.) Quels bras
 ?
 (Un temps.) Quels seins ? (Un
 temps.) Willie. (Un temps.) Quel Willie ? (Affirmative
 avec
 35  véhémence.) Mon Willie (Yeux à droite.
 Appelant.) Willie ! (Un temps Plus fort.) Willie !
 [...]
Annexe
 au texte C : Mise en scène de oh ! les beaux jours de Samuel
 Beckett par Roger Blin au théâtre du Rond Point, 1981. (Madeleine
 Renaud dans le rôle de Winnie)
 
 Photo
 Thérèse Le Prat Ó Ministère de la culture France
Annexe
 au corpus : Antonin ARTAUD (1896-1948), Le Théâtre et son double
 (1938)
Le
 Théâtre et son double est un recueil qui rassemble les articles,
 conférences et manifestes exprimant la réflexion d'Artaud sur le
 théâtre. La découverte du théâtre balinais, notamment, l'a amené
 à effectuer examen critique du théâtre occidental.
La
 révélation du "théâtre balinais a été de nous fournir, du
 théâtre une idée physique et non verbale, où le théâtre est
 contenu dans les limites de tout ce qui peut se passer sur une scène,
 indépendamment du texte écrit, au lieu que le théâtre tel que
 nous le concevons en Occident a partie liée avec le texte et se
 trouve limité par lui. Pour nous, au théâtre, la Parole est tout
 et il n'y a pas de possibilité en dehors d'elle ; le théâtre est
 une branche de la littérature, une sorte de variété sonore du
 langage, et si nous admettons une différence entre le texte parlé
 sur la scène et le texte lu par les yeux, si nous enfermons le
 théâtre dans les limites de ce qui apparaît entre les répliques,
 nous ne parvenons pas à séparer le théâtre de l'idée du texte
 réalisé.
 Cette idée de la suprématie
 de la parole au théâtre est si enracinée en nous et le théâtre
 nous apparaît tellement comme le simple reflet matériel du texte
 que tout ce qui au théâtre dépasse le texte n'est pas contenu dans
 ses limites et strictement conditionné par lui, nous paraît faire
 partie du domaine de la mise en scène considérée comme quelque
 chose d'inférieur par rapport au texte.
RdM...









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