Chapitres
Texte de Laurent Gaudé, Le soleil des Scorta
Dans le sud de l'Italie. une vieille femme évoque son enfance, au cours de laquelle sa famille a tenté de fuir le pays pour s'installer à New-York. Elle s'adresse à un personnage nommé don Salvatore. L'action se déroule dans la première moitié du XXe siècle.
Don Giorgio nous a menés jusqu'au port et nous avons embarqué sur un de ces paquebots construits pour emmener les crève-la-faim d'un point à un autre du globe. dans de grands soupirs de fioul'. Nous avons pris place sur le pont au milieu de nos semblables. Miséreux d'Europe au regard affamé. Familles entières ou gamins esseulés. Comme tous 5 les autres, nous nous sommes tenus par la main pour ne pas nous perdre dans la foule. Comme tous les autres. la première nuit. nous n'avons pu trouver le sommeil. craignant que des mains vicieuses ne nous dérobent la couverture que nous nous partagions. Comme tous les autres. nous avons pleuré lorsque l'immense bateau a quitté la baie de Naples. « La vie commence », a murmuré Domenico. L'Italie disparaissait à vue d’œil. Comme tous 10 les autres. nous nous sommes tournés vers l'Amérique. attendant le jour où les côtes seraient en vue. espérant. dans des rêves étranges. que tout là-bas soit différent. les couleurs. les odeurs. les lois. les hommes. Tout. Plus grand. Plus doux. Durant la traversée. nous restions agrippés des heures au parapet'. rêvant à ce que pouvait bien être ce continent où les crasseux comme nous étaient les bienvenus. Les jours étaient longs. mais 15 cela importait peu. car les rêves que nous faisions avaient besoin d'heures entières pour se développer dans nos esprits. Les jours étaient longs mais nous les avons laissés couler avec bonheur puisque le monde commençait.
Un jour enfin. nous sommes entrés dans la baie de New York. Le paquebot se dirigeait lentement vers la petite île d'ais Island. La joie de ce jour. don Salvatore. je ne l'oublierai 20 jamais. Nous dansions et criions. Une agitation frénétique avait pris possession du pont. Tout le monde voulait voir la terre nouvelle. Nous acclamions chaque chalutier de pêcheur que nous dépassions. Tous montraient du doigt les immeubles de Manhattan. Nous dévorions des yeux chaque détail de la côte.
Lorsque enfin le bateau fut à quai. nous descendîmes dans un brouhaha de joie et 25 d'impatience. La foule emplit le grand hall de la petite île. Le monde entier était là. Nous entendions parler des langues que nous prîmes d'abord pour du milanais ou du romain. mais nous dames convenir que ce qui se passait ici était bien plus vaste. Le monde entier nous entourait. Nous aurions pu nous sentir perdus. Nous étions étrangers. Nous ne comprenions rien. Mais un sentiment étrange nous envahit. don Salvatore. Nous avions la 30 conviction que nous étions ici à notre place.
Laurent Gaudé. Le Soleil des Scorta. 2004.
Les questions
Toutes vos réponses devront être rédigées
1. « […] ce continent où les crasseux comme nous étaient les bienvenus. » (lignes 13-14)
a) De quel continent s’agit-il ? (0,5 point)
Il s’agit du continent américain.
b) Qui est désigné par l’expression « les crasseux » ? Que pensez-vous de cette formulation ? (1 point)
« Les crasseux » désignent les européens qui ont embarqué sur le paquebot pour émigrer aux Etats Unis.
2. En vous appuyant précisément sur le texte, expliquez ce que les personnages attendent de ce nouveau pays. (2 points)
3. a) Par quels sentiments successifs passent les personnages aux différentes étapes du voyage ? Illustrez votre réponse par des éléments précis du texte. (3 points)
- Au départ du bateau : crainte, tristesse
- Pendant le voyage : espoirs, rêve
- A l’arrivée : bonheur, joie
b) Pourquoi le « sentiment » évoqué à la ligne 29 est-il qualifié d' »étrange » ? (1,5 point)
4. « Le paquebot se dirigeait lentement vers la petite île d’Ellis Island. La joie de ce jour, don Salvatore, je ne l’oublierai jamais. Nous dansions et criions. » (lignes 18 à 20) : identifiez les deux temps utilisés et justifiez l’emploi de chacun. (2 points)
- « se dirigeait », » dansions et criions » sont utilisés à l’imparfait descriptif.
- « oublierai » est employé au futur : il s’agit d’une action postérieure à la narration.
5. « Miséreux d’Europe au regard affamé. Familles entières ou gamins esseulés. » (ligne 4) :
a) Quelle remarque grammaticale pouvez-vous faire sur la construction de ces deux phrases ? (1 point)
b) Quel effet produisent-elles sur le lecteur ? (1 point)
Ces deux phrases sont percutantes; elles décrivent la misère dans laquelle se trouvent les personnages et marquent le lecteur.
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