Chapitres
- 01. Les vices du consentement
- 02. Le non respect du droit interne
- 03. L’erreur dans la conclusion des traités
- 04. Le dol et la corruption
- 05. La contrainte dans la conclusion des traités
- 06. Définition de la notion de contrainte illicite
- 07. Le point de départ dans le temps de l’application de la règle
Un traité conclu, entré en vigueur déploie ses effets juridiques dans l’ordre juridique international.
Toutefois, il ne pourra subsister dans cet ordre juridique qu’à la condition d’être valide.
Dans le cas contraire, il pourra être frappé de nullité.
C’est la question des vices du consentement : théorie des vices du consentement est beaucoup moins développée en droit international qu’en droit interne et de fait elle est plus doctrinale que jurisprudentielle.
Les vices du consentement
Ce problème de la conclusion des traités en violation du droit interne de l’État est connu sous le nom de théorie de la ratification imparfaite.
En droit interne et privé →
L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.
Le non respect du droit interne
Il s’agit de savoir ce qui se passe lorsqu’un traité a été conclu par des agents régulièrement habilités au regard du droit international mais lorsque le représentant a agi en violation des règles de son propre droit interne.
Est-ce qu’il faut considérer que le consentement est vicié et donc que le traité n’est pas valable ou faut-il estimer que la violation du droit interne n’a aucune influence ?
Première thèse :
En cas de violation du droit interne, le traité conclu est nul. On doit considérer qu’un traité n’est conclu que lorsque le consentement a été réellement donné. Or, la procédure de conclusion des traités est régie à la fois par le droit international et le droit interne (hors de question de privilégier l’un par rapport à l’autre).
Donc le consentement donné en violation du droit interne n’est qu’un consentement apparent et donc le consentement n’existe pas, le traité est invalide.
Deuxième thèse :
L'idée de la non influence de la violation du droit interne sur la validité du traité. En effet, le traité est un acte international.
Or, le droit international en ce qui concerne la conclusion des traités ne tient compte que du consentement qui s’exprime par le moyen d’actes internationaux de l’État. La signature, la ratification sont des actes internationaux. Mais l’autorisation de ratifier donnée par le parlement au chef de l’État est un acte de pur droit interne.
Par conséquent, la validité d’un traité international ne peut pas dépendre de la validité d’actes de pur droit interne.
De plus, si on admettait la thèse de l’invalidité du traité, on pourrait aboutir à des situations anormales à savoir par exemple celle où un État aurait sciemment laisser se conclure un traité international en violation de son droit interne pour pouvoir à postériori invoquer cette violation pour se délier du traité.
La pratique présente des précédents qui vont dans des deux sens.

L’article 46 de la convention de vienne dispose ainsi qu’ « un traité conclu en violation du droit interne est valide sauf dans le cas où cette violation du droit interne a été manifeste et concerne une règle de son droit interne d’importance fondamentale ».
L’article 46-2 dit : « Une violation est manifeste si elle est objectivement évidente pour tout Etat ce comportant en la matière conformément à la pratique habituelle et de bonne foi ».
La jurisprudence a reconnu dans certains cas que la validité du traité s’apprécie au regard des lois fondamentales de l’État (sentence arbitrale du 31 juillet 1989 sur la frontière maritime Guinée-Bissau/Sénégal).
L’erreur dans la conclusion des traités
Le terme « erreur » a deux significations.
- Il s’agit d’abord de l’erreur dans la rédaction du traité.
La procédure est alors celle du rectificatif du traité.
Ainsi, l’article 48 de la convention de Vienne a prévu cette procédure de rectification qui suppose l’accord des parties au traité.
- Il s’agit ensuite de l’erreur en tant qu’elle a affecté le consentement au traité.
Ex1 : en 1783, les USA et l’Angleterre ont mis fin à la guerre qui les opposait en concluant un traité, le traité de Versailles qui déterminait les frontières entre les possessions britanniques et les USA. Or, une partie de cette frontière était fixée par référence à une chaîne de montagne et par référence à la rivière Sainte-Croix. Mais on s’est aperçu par la suite qu’il n’y avait pas de chaîne de montagne et qu’il y avait plusieurs rivières Sainte-Croix.
Ex2 : affaire de la CIJ du 20 juin 1959 dite de la souveraineté sur certaines parcelles frontalières entre les Pays-Bas et la Belgique : les deux pays dans le traité de délimitation avait renvoyé à un document annexe. Or, il se trouve qu’ils s’étaient trompés dans le contenu du doc annexe à tel point qu’il était en totale contradiction avec des dispositions du traité de délimitation. L’un des deux Etats a prétendu qu’il n’avait pas à appliquer le traité considéré comme nul du fait de l’erreur. Solution de la Cour
=> la cour a estimé que l’erreur dans un traité ne constituait pas toujours une cause de nullité du traité, encore fallait-il montrer que l’erreur portait sur l’un des éléments essentiels du consentement donné à ce traité. « L’erreur doit être telle que l’Etat ne serait pas engagée s’il l’avait connue ».

Ex3 : affaire du temple de Préah Vihéar => la Thaïlande avait prétendu que la carte qui plaçait le temple sur le territoire cambodgien n’avait pas de valeur juridique parce qu’entachée d’erreur. La cour a rejeté cet argument et a affirmé qu’ « une partie ne saurait invoquer l’erreur comme vice du consentement si elle a contribué à cette erreur par sa propre conduite, si elle était en mesure de l’éviter ou si les circonstances étaient telles qu’elle avait été avertie de la possibilité d’une erreur. Ces principes jurisprudentiels ont été repris dans la convention de viennes dans son article 58. Les règles de droit sont fixées explicitement.
Le dol et la corruption
Le dol c’est la manœuvre qui consiste pour le représentant d’un État qui négocie un traité à tromper systématiquement l’autre afin d’obtenir son consentement.

Lorsqu’un traité a été conclu par une manœuvre dolosive, l’État victime du dol peut invoquer le vice du consentement pour être délié du traité (article 49 convention de viennes).
La corruption c’est le fait d’obtenir le consentement du négociateur en le corrompant.
Seul l’État victime peut invoquer la corruption comme vice du consentement (article 50 de la convention de Viennes).
La contrainte dans la conclusion des traités
Première hypothèse :
-la contrainte est exercée directement sur le négociateur d’un traité. Il a toujours été admis que le consentement du négociateur arraché par la contrainte était invalide, ce qui veut dire que le traité est nul.
Ex : contrainte exercée en 1939 sur le président Hacha dans le but d’instaurer le protectorat allemand sur la Bohème Moravie (république tchèque).
Deuxième hypothèse :
- la contrainte sur l’État : c’est le problème de la contrainte exercée sur un Etat lorsqu’on obtient l’accord d’un Etat alors qu’il n’est plus en mesure de refuser. Pour le droit international classique (jusqu’au 20°s), la violence était un instrument normal des relations internationales. Il n’était donc pas question de contester la validité d’un traité de paix. Mais, évolution substantielle qui consiste à tenter progressivement d’interdire le recours à la force dans les traités internationaux. Cette évolution s’est amorcée après 1919 dans le cadre de la société des nations.
Le pacte de la SDN est le premier traité multilatéral qui prévoit une réglementation du recours à la force.
Ce problème ne sera donc clairement posé qu’après la seconde guerre mondiale.
Ce débat se trouve en particulier au sein de la SDI.
Ainsi, lors des discussions sur les vices du consentement dans les traités, plusieurs représentants ont estimé que puisque désormais le recours à la force était a priori illicite dans les rapports internationaux il serait anormal qu’un traité conclu grâce au recours illicite à la force soit considéré comme valide.
Ils ont donc proposé qu’un traité conclu dans de telles conditions soit sanctionné par la nullité.
Là où les difficultés se sont présentées c’est au niveau de l’aménagement du principe :
- celui de la définition de la contrainte illicite
- celui du point de départ dans le temps de l’application de la règle
- celui de la portée de la sanction
Définition de la notion de contrainte illicite
Lors des discutions à la CDI (commission de droit internationale), deux thèses se sont opposées : d’abord pour les partisans de la définition étroite, la contrainte devait être entendue uniquement comme la contrainte physique c'est-à-dire la contrainte militaire.
Pour d’autres au contraire il fallait l’entendre plus largement et il fallait inclure tous les modes de contraintes (par ex, la contrainte économique).
Un compromis a été proposé qui consistait à considérer comme illicite le recours à la contrainte interdite par la charte des nations unies.
Enfin de compte renvoyer à la charte des nations unies revient à adopter la conception étroite de la contrainte.
C’est pourquoi les partisans de la définition large ont proposé des amendements lors de la conférence de Viennes qui ont d’ailleurs largement abouti.
En effet, la convention de viennes dans son article 52 renvoie aux principes de droit international incorporés dans la charte des nations unies.
Est annexée à la convention de viennes une déclaration qui a pour effet d’interpréter la notion d’une menace d’emploi de la force. Cette déclaration interprète la contrainte comme incluant la contrainte politique et économique (en plus de la contrainte militaire).
Par conséquent, c’est la notion large de contrainte illicite qui l’a emportée.
Solution qui a été critiquée → ppal reproche : l’indétermination de la notion de contrainte qui est par là même facteur d’insécurité juridique.
Le point de départ dans le temps de l’application de la règle
Les discussions à la CDI ont porté sur le point de savoir à partir de quel moment on pourrait invoquer la règle de la nullité des traités conclus sous l’empire de la contrainte.
Selon la première thèse, la convention de viennes ne fait que constater un principe qui existait de tout temps.
Ainsi, tout traité aussi ancien soit-il pourrait se voir annulé si il a été conclu sous l’empire de la contrainte
Deuxième thèse : cette règle ne pouvait avoir des effets qu’à partir de l’entrée en vigueur de la convention de Viennes.
C’était admettre par là même que sur le plan de la contrainte la convention de viennes ne codifiait pas mais créait une règle nouvelle dont l’application rétroactive était impossible.
Codifier signifie recueillir un certain nombre de règles pour les inscrire dans une convention.
Seuls les traités conclus après l’entrée en vigueur de la convention de viennes peuvent se voir sanctionner par la nullité.
Troisième thèse → celle du compromis : l’idée est la suivante : on ne peut sanctionner les traités conclus sous l’empire de la contrainte qu’à partir du moment où on est sur qu’il existe dans le droit international une règle qui interdit le recours à la contrainte.
Il reste à fixer le point de départ de cette règle.
- Pour certains, cette règle de l’interdiction du recours à la force remonterait à l’entre deux guerres avec le pacte de la SDN notamment.
- Pour d’autres, elle remontait à la charte des nations unies.
Au final, la convention de viennes n’a pas tranché définitivement sur ce point.
Ce qui est certain c’est qu’elle considère que la règle de l’interdiction de la contrainte a été codifiée par la convention.
Ce n’est pas la charte des nations unies qui a constitué le point de départ de la règle puisque certains principes ont été seulement incorporés dans la charte des nations unies c'est-à-dire par définition qu’ils existaient avant.
Toutefois, l’article 52 n’indique pas pour autant à quelle date on peut considérer que cette règle de l’interdiction du recours à la force est apparue dans le droit international.
Si vous désirez une aide personnalisée, contactez dès maintenant l’un de nos professeurs !
Concernant l’erreur dans la conclusion des traités, il ne s’agirait pas plutôt de règles fixées par la Convention de Vienne en son article 48 ?
Bonjour Amandine, merci pour ton commentaire. Nous avons corrigé l’erreur. Salut!
Très bon article, j’ajouterais peut-être cependant la Corruption du représentant d’un Etat qui constitue également un vice de consentement. L’Article 50 de la Convention de Vienne dit ainsi que cela peut se produire de manière directe OU indirecte. On ne parle pas des gestes de courtoisie, et ici la définition est de la sorte très étroite et stricte.
Sujet de dissertation : vice du consentement
merci beaucoup