Chapitres
Faire une réserve à un traité c’est de la part d’un État qui veut devenir partie à ce traité émettre un acte qui vise à exclure ou à modifier les faits de certaines dispositions du traité par rapport à lui.
Il n’ y a pas de règles préétablies en ce qui concerne la forme de la réserve.
De manière générale, elle se présente comme un acte unilatéral notifié par l’État qui fait la réserve, l’État réservataire, aux autres parties au traité. C’est au dépositaire que cette réserve est signifiée.
Réserve ou déclaration interprétative
Dans la pratique, il est parfois difficile de distinguer une réserve véritable de la déclaration interprétative. Souvent en effet des États lorsqu’ils deviennent partie à un traité accompagnent leur signature, adhésion ou ratification d’une déclaration par laquelle ils expriment leur interprétation de tel ou tel passage du traité.
Donc par définition, ça ne vise pas à exclure les faits d’une disposition du traité.
- a l’heure actuelle, il y a de plus en plus de traités multilatéraux qui intéressent un très grand nombre d’états. Or, la réserve constitue un moyen pour un État qui veut devenir partie à un traité de faire valoir son particularisme. Il est évident que plus les États partie au traité plus les particularismes vont s’exprimer. Il est important de donner la possibilité aux États d’émettre des réserves parce que dans la négociation on ne peut pas tenir compte de tous les cas particuliers.
- aujourd’hui les textes des traités sont de plus en plus souvent arrêter à la majorité et non plus à l’unanimité. Donc là encore il parait souhaitable de permettre aux États minoritaires d’émettre des réserves ce qui permet de rallier les États minoritaires au traité faute de quoi ils resteront en dehors du système conventionnel.
« L’admission des réserves est ainsi un facteur de succès quant à la portée et à la diffusion du champ d’application spatiale des normes incluses dans la convention » (Pierre Marie Dupuy).
Les conditions d’admissibilité d’une réserve
La doctrine classique (époque de la SDN)
Selon la doctrine classique, l’émission d’une réserve n’était possible qu’à la condition qu’elle ait été acceptée par l’ensemble des Etats déjà partie au traité. Cette doctrine se basait sur l’idée qu’en règle générale un traité est ou n’est pas => on appelle ça le principe de l’intégralité du rapport conventionnel ou le principe de l’acceptation unanime.
L’évolution de la doctrine classique (à partir de 1945)
Dans un cadre régional qui est celui de l’union panaméricaine, on admettait déjà que pour les traités interaméricains on puisse s’écarter du principe de l’action unanime des réserves. Mais au moment de la création de l’ONU comme cette pratique était réservée à un cadre particulier, la doctrine a continué à enseigner le principe à développer ce principe. Le déclencheur de l’évolution : une affaire très célèbre en 1950 qui a fait prendre conscience que ce principe n’était plus adapté au droit moderne des traités. Il s’agit de l’affaire des réserves à la convention pour la prévention et la répression des crimes de génocide.
Elle a d’abord dit que le principe de l’acceptation unanime ne constituait pas un principe obligatoire dans tous les cas.
Il faut tenir compte en effet des caractéristiques des conventions. Or, la convention sur le génocide a vocation universelle et continuer à admettre l’acceptation unanime ferait courir le risque de limiter l’universalité de la convention. A partir de là, la cour propose une thèse nouvelle selon laquelle l’admissibilité d’une réserve dépendrait de sa compatibilité ou non avec le but et l’objet du traité. Cela signifie que les réserves qui portent sur les aspects fondamentaux du traité ne sont pas admissibles alors que celles qui portent sur des points secondaires n’entravent pas le fonctionnement des traités et peuvent dès lors être acceptées.
Les réactions de la CDI (commission de droit international : commission de l’ONU) :
Au départ, elle ne s’est pas ralliée à la position de la cour mais très vite en revanche cette opinion de la cour a rencontré l’adhésion de la majorité des Etats membres de l’ONU. De même, très vite, le secrétaire général de l’ONU a dit que désormais que la thèse donnée par la cour devait servir de guide pour la pratique de l’ONU. La CDI a fini par se rallier à la thèse nouvelle. C’est un seul avis de la Cour qui a réussi à faire évoluer un état du droit qui n’était plus adapté.
L’État du droit contemporain
La thèse de la cour pose en pratique quelque problème : deux grands problèmes :
- il faut d’abord connaitre le but et l’objet du traité
- il faut déterminer les organes qui décideront en cas de contestation que telle ou telle réserve est compatible avec le but et l’objet
Ce pose donc plusieurs hypothèses. L’intervention d’un juge ou d’un arbitre peut être prévue pour régler ce genre de difficulté. Si le traité ne renvoie à aucun juge ou arbitre, il revient alors aux Etats eux-mêmes de se prononcer sur la compatibilité avec le but et l’objet. Mais risques de décisions très arbitraires et peut être retour au principe de l’acceptation unanime. La CDI s’est rendue compte de ce problème c’est pourquoi de nos jours une pratique s’est développée qui consiste à inclure dans les traités une clause relative aux réserves c'est-à-dire une clause qui va déterminer quelles sont les réserves acceptées ou prohibées. La convention de Vienne prévoit cette possibilité dans son article 19. Si un traité ne comporte pas de clause sur les réserves, pour les traités dans lesquels la notion d’intuitu personae joue il est possible d’admettre que c’est le principe d’acceptation unanime qui continuer à s’appliquer. Dans certains traités (rares), on utilise la technique de l’acceptation majoritaire de la réserve. Ex : convention conclue dans le cadre de l’ONU, convention sur les stupéfiants de 196. En ce qui concerne les traités qui créent des organisations internationales, la question des réserves semble plutôt obscure. La thèse traditionnelle consiste à dire que les réserves sont impossibles parce qu’une organisation internationale constitue un système complet. Cela dit, la convention de Vienne dans l’article 20 §3 présente une solution particulière à savoir que pour ce type de traité l’admissibilité des réserves doit être soumise à l’acceptation des organes de l’organisation.
Les problèmes de procédure relatifs aux réserves et effet juridique
L’émission d’une réserve
Une réserve doit être émise au moment de l’expression de l’engagement de l’Etat c'est-à-dire soit au moment de la signature ou de la ratification soit au moment de l’adhésion.
Le retrait d’une réserve
Une réserve peut être retirée à tout moment et réciproquement l’objection à une réserve peut elle aussi être retirée à tout moment.
Les effets respectifs de l’acceptation et de l’objection à une réserve
Rapports entre Etats réservataires et Etats non objectant :
En principe, la disposition réservée ne lie pas l’état réservataire mais elle ne lie pas non plus les États non objectant.
La raison de cette affirmation découle d’un principe fondamental du droit des traités qui est celui de la réciprocité.
On va distinguer l’acceptation expresse de la réserve et l’acceptation tacite de la réserve= Une réserve sera réputée avoir été accepté par un État si ce dernier n’a pas formulé d’objection à la réserve dans les douze mois qui suivent la notification de la réserve. Entre ces Etats le traité s’applique moins la disposition qui fait l’objet de la réserve « dans la mesure prévue par cette réserve » (article 21 §1 de la convention de Vienne).
Rapports entre Etats réservataires et Etats objectant
- L’objection simple permet au traité de s’appliquer. Dans ce cas, l’objection à une réserve a pour effet d’exclure l’article sur lequel porte celle-ci des dispositions de la convention en vigueur entre les parties. Cette solution résulte de la CIJ dans des ordonnances du 2 juin 1999, licéité de l’emploi de la force Yougoslavie contre Espagne et Yougoslavie contre USA.
- L'objection aggravée parce qu’elle porte sur le droit d’introduire la réserve. Dans ce cas, il n’y a pas de relation conventionnelle entre l’Etat réservataire et l’Etat objectant. Pour que l’objection ait cet effet, il faut que l’Etat qui émet l’objection ait manifesté nettement son intention qu’il en soit ainsi (article 20 §4 b de la convention de Viennes).
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Bonjour ! Que pensez-vous de cette affirmation :《la réserve est un janus en droit international》?
Bonjour, nous ne faisons pas les devoirs des élèves mais n’hésitez pas à prendre un cours avec un de nos professeurs si vous désirez de l’aide personnalisée 🙂
Ce document est très important pour nos étudiants universitaires
Effectivement
Très intéressant
Merci! Mais,
que dire du moment de la formulation des réserves?
Bonjour!
Svp j’aimerais savoir les spécificités du régime des réserves aux actes constitutifs par rapport à celui des réserves aux traités ordinaires.
Merci
Merci beaucoup
Bonjour je me posais la question sur le rôle de l’objection. je n’ai pas très bien compris son utilité dans la réserve