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• Depuis quand développez­-vous un intérêt pour votre discipline et pour les cours particuliers ?

  J’ai pris mes quartiers dans la langue française dès mon plus jeune âge, en écho sans doute de la voix chère de mon père. J’ai lu abondamment, livres, journaux, revues, et écrit très jeune… Ainsi, en classe, j’avais le plus souvent rédigé plusieurs versions et pris de l’avance…
  
  Plus tard, j’ai suivi des études de Lettres Modernes (DEA), me confrontant à l’univers savant des livres de haute mer et complétant ma culture par des études, en mineur, de cinéma, de philosophie et d’histoire, cela en écho et contrepoints d’une vie sociale et professionnelle immergée, indispensable à une vraie culture générale.
  
  Ce qu’aborde un livre lorsqu’il a quelque épaisseur, et c’est le cas de ceux que nous avons à faire connaître à un élève, est d’autant mieux palpable et apprécié comme l’on s’y « branche » réellement, et cela exige le travail patient du lecteur, qui, par des allers-retours nécessaires s’attache à la lettre du texte. N’apprend t-on pas surtout du reste, de par ses échecs, tâtonnements et …dépassements ? Selon le bon mot de Benjamin Franklin, l’on ne retient que lorsqu’on s’implique, qu’il y a là événement et donc mémoire.
  C’est l’étape préalable à toute production écrite, qu’il s’agisse d’un commentaire ou, plus avant, d’une dissertation. On ne commence à parler bien que de ce qu’on connaît, peu ou prou, à coeur…
  
  Ainsi, si j’ai enseigné en classe dans le public et le privé, je trouve néanmoins que le cours particulier est le creuset adéquat si ce n’est idéal, pour transmettre savoirs et connaissances, cet objectif indispensable, qui fait de notre métier, l’un des plus beaux métiers. Je le pratique depuis plus de vingt-cinq ans, auprès de lycéens, collégiens, écoliers, étudiants ainsi que dans des prestations de coaching de cadres.

• Dites nous-en davantage sur la matière enseignée, sur les thèmes que vous appréciez aborder avec les élèves (et éventuellement ceux qui vous plaisent un peu moins) !

  Le français est l’une des langues les plus sophistiquées du monde, langue d’étude comme de débat. N’a t-elle pas le plus grand nombre de possibilités d’exprimer le passé via ses modes et temps ? Diplomate, n’est-elle pas ponctuée d’un florilège de nuances ? Ses homophones-homographes, souvent si spirituels, ne sont-ils pas un bonheur pour le poète ?
  
  Amener mon élève à s’immerger en poésie, en ces mots rares et précis qui suspendent le verbe telle une question, suivre le cheminement d’un personnage au sein d’un siècle tumultueux, tel le XIX ème siècle, approcher les riches débats qui orientent très tôt, et en de multiples dialogues entre écrivains, la fabrique de notre monde riche et complexe, monter sur les planches comme les textes se mettent à parler, kaléidoscopes des passions humaines, pister un thème entre les siècles, tel celui de la liberté chérie, voici ce que j’aime aborder avec mon élève, en conscience cependant de ses possibles et dans le souci des pré-requis scolaires.
  
  Ainsi, j’entends faire découvrir à mon élève, les échos et questions, des oeuvres que nous abordons, qu’il s’agisse d’essais, de comédies ou de tragédies, de récits, de romans ou de poèmes. Ce pas de deux sur le chemin, le « pas à pas du texte » est une respiration, une façon de ponctuer et d’apprendre, quel qu’en soit le niveau, à penser et accueillir aussi le fait que la langue, imparfaite, ne lève pas tous les mystères de ce qu’une plume a voulu dire, et c’est justement cela le lieu des lecteurs, espace de questionnement, libre et exigeant, sans lequel, les livres seraient d’ores et déjà comme du bois mort.
  
  En Lettres, il n’y a pas une méthode, sorte de mode d’emploi automatisé, applicable indifféremment à tout texte, mais bien plutôt chacun doit développer avec lui-même, son attitude méthodique, faîte d’attention à la lettre du texte, et de ce qu’il dit successivement et en de nombreuses passerelles. C’est seulement ensuite qu’il devient possible de regrouper des informations et d’en nourrir des pistes puis vos axes de lecture. Quant à la dissertation, elle suppose de la matière, des oeuvres arpentées et entendues, même si elle offre alors plus de liberté que l’exercice du commentaire.

• Parlez-nous de vos modèles, que ce soit un professeur qui vous a marqué ou encore une oeuvre qui vous a inspiré !

  J’ai eu autrefois, en CM2, un instituteur remarquable, M. Gabri, attentif à chacun et formidablement inventif, nous nous en souvenons tous quand encore parfois, nous nous croisons. Bien plus tard, j’ai eu aussi la chance de tresser mes études, auprès d’une grande dame de Lettres, Marie Depussé, devenue une amie.
  
  De si nombreux textes et auteurs jalonnent mon parcours, qu’il me semble presque injuste de n’en citer qu’un. J’ai longtemps fréquenté l’oeuvre du grand poète et voyageur Henri Michaux, dont j’apprécie toujours, et la lucidité et surtout l’ironie.

• Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour être un bon expert dans votre domaine ?

  Un bon expert dans mon domaine, dispose de solides bases disciplinaires et d’une culture à coeur qu’il sait rendre, et accessible et passionnante. Accompagnateur patient et surtout passeur, mettant en musique, le texte à lire et commenter, en écho de ce qu’il ressent et perçoit chez son élève, il est ainsi attentif à l’instruire des pré-requis disciplinaires indispensables à sa progression et ses objectifs scolaires. Il ne sait pas tout évidemment mais cherche à susciter chez son élève, l’exigence du questionnement qui est le la du lecteur. Ce qui importe c’est le sens, sa floraison, et les pas de deux qui peuvent ainsi en naître, pour le plaisir et vers l’excellence.

• Une anecdote en rapport avec votre métier ou votre scolarité à nous raconter ?

  Dans un lointain collège du nord de la région parisienne, presqu’autrefois, j’officiais auprès de collégiens turbulents, tout comme mes collègues, logés à la même enseigne. Chaque jour, il nous fallait gagner, ces minutes de l’étude face à ces autres temps morts où rien ne peut advenir encore. En fin d’année comme ces élèves voulaient faire un gouter, c’est à moi qu’ils ont demandé la permission d’utiliser ma salle, en m’invitant chaleureusement à cette fête.

• Vous pouvez maintenant nous rassurer et nous avouer que vous aussi, vous avez déjà connu des difficultés à l’école…

  Depuis tout jeune, j’ai aimé apprendre et étudier, surtout le français, l’histoire, et lire et écrire. Aujourd’hui, me désignant, l’on emploierait quelque mot savant, affublant une ironique série policière de la 1, mot probablement vrai mais qui me semble néanmoins un peu grossier, trop technique en tous cas… Pas toujours facile d’être là quand on n’est pas dans la moyenne pour laquelle cela est fait…
  
  Toutefois, j’ai bien moins aimé l’école lorsqu’elle se détournait et se dispersait en d’autres questions que celles de transmettre notre riche culture, déjà tout un programme. Et je me désole encore comme elle oblige, élève, étudiant ou professeur, à des impératifs « bas de plafond », trop idéologiques, et en tous cas fort loins alors de l’exigence si bien résumée par Montaigne, d’une tête bien faîte et non bien pleine.

• Aidez-nous à vous connaître un peu mieux en évoquant vos passions (que vous partagerez peut-être un jour via Superprof).

  La musique est ma respiration, « break in the rush ». J’ai là des goûts éclectiques, du baroque au jazz, et plus avant encore, les musiques du monde, savant mélange parfois de ce qui se fait de mieux ; ténor, je chante depuis quelques années dans des choeurs classique et de Gospel, m’instruisant aussi en solo, et je pratique depuis longtemps le saxophone, improvisant notamment sur Théolonius Monk.
  
  J’aime travailler de mes mains, pour aménager et embellir notre quotidien, construire, et pratique parfois la menuiserie, y ayant été formé, un peu…
  
  Eclectique et curieux, je suis passionné par la conduite du changement, que j’ai pratiquée professionnellement, et par la prospective : accompagner la mondialisation d’une exigence d’ouverture me semble une meilleure façon d’y oeuvrer, notamment vers les écoles de demain …
  
  J’ai ainsi imaginé et fait développer, parallèlement, une plateforme collaborative sur internet, Visiolettres, permettant l’étude des textes en ligne, sous tous leurs aspects, innovation importante et promise à un bel avenir. Je l’emploie bien sûr, le cas échéant avec mes élèves. Il me semble en effet que nous sommes d’autant plus efficaces qu’il devient possible de partager et valoriser des savoirs et de conjuguer des connaissances, et que la littérature, dans cette perspective, peut préserver ou retrouver un fort bel avenir, enrichi de lecteurs toujours plus nombreux.
  
  Quant il me reste du temps, j’écris, depuis longtemps, poésie, petites chroniques, … . Et j’entends un jour, dégager le temps nécessaire pour reprendre ma thèse, inachevée, sur M. Blanchot et E. Lévinas, « l’apart du don ».

• Qu’est-ce qui fait de vous un Superprof (en plus d’avoir répondu à cette interview :-P) ?

  Ce qui fait, peut-être, de moi, un Superprof, c’est que je n’envisage les textes, que vivants, bruissants des conversations exigeantes et fondées que, lecteurs, l’on tente en écho de l’écrit de l’auteur, avec lui mais non sans débats. On ne transmet bien que ce qui nous passionne et nous élève.