La question du menottage génère souvent de vives réactions, d'où l'importance de comprendre l'encadrement de leur usage à travers le Code de procédure pénale, et à travers des cas pratiques.
C'est pourquoi on vous propose ce guide pour mieux appréhender les enjeux autour du menottage en fonction des circonstances légales. C'est parti !
Qu’est-ce que l’article 803 du Code de procédure pénale ?

En France, en matière de droit pénal, il est essentiel d'encadrer les règles et étapes en cas d'infraction : comment opérer, quelles procédures mettre en oeuvre, quels droits sont octroyés à chaque étape. Tout cela figure dans le Code de procédure pénale1, ou CPP, qui comprend notamment un article sur l'usage des menottes.
On peut ainsi retrouver, à l'article 803 CPP (à ne pas confondre avec l'article 803 du Code de procédure civile sur l'ordonnance), la définition suivante :
Nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s'il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite.
Article 803 du Code de procédure pénale
Cela démontre bien que le menottage n'est pas une pratique systématique, comme on peut parfois le croire dans le cadre d'une interpellation. La notion de menottes est directement liée à la notion d'arrestation, que l'on vous propose de découvrir dans cette vidéo :
En matière de menottage, il est important de retenir les termes suivants :
Menottes
Objet qui sert à restreindre la liberté de mouvement de la personne visée par une interpellation ou équivalent
État de la personne
L'article 803 du CPP impose de tenir compte de l’âge, de l’état de santé, de la vulnérabilité ou d’une éventuelle grossesse
Il s'agirait autrement d'un traitement qualifié de disproportionné.
Nécessité
Le menottage ne peut être utilisé que lorsqu’il est nécessaire à la sécurité ou au bon déroulement de l’interpellation ou du transport
Proportionnalité
Même si le mot n’est pas explicitement dans le texte, il découle directement du principe général : la mesure doit être adaptée, proportionnée et limitée à la situation
Un menottage excessif ou prolongé peut être sanctionné.
De manière plus concrète, quelles sont les conditions légales pour justifier le menottage en droit pénal français ?
Quelles sont les conditions légales pour mettre des menottes ?

Le menottage est vu socialement comme une sanction et une restriction. C'est pour cela que le Code de procédure pénale encadre l'usage, la mise en oeuvre et le retrait des menottes, en donnant plusieurs conditions légales d'exécution.
Cela concerne aussi bien la justification de la nécessité de l'usage des menottes, que leur application sur des critères objectifs.
Retour en détails sur le contenu de l'article 803 et l'impact pour les citoyens français.
Selon l'article 803 du Code de procédure pénale, il existe plusieurs conditions légales pouvant mener à une mise de menottes. Elles sont récapitulées dans ce tableau, mais continuez votre lecture pour avoir plus de détails.
| Élément | Contenu selon l’article 803 CPP | Explications pratiques | Exemples concrets |
|---|---|---|---|
| Principe de nécessité | Les menottes ne peuvent être utilisées que si elles sont nécessaires. | Les forces de l’ordre doivent justifier pourquoi la contrainte est indispensable. | Une personne tente de s’enfuir lors du contrôle → nécessité caractérisée. |
| Danger pour soi ou autrui | Usage autorisé si la personne représente un danger. | Concerne les comportements violents, menaçants ou imprévisibles. | Individu très agité, coups portés, menaces verbales crédibles. |
| Risque de fuite | Le menottage est possible en cas de risque avéré de fuite. | Ce risque doit être concret, pas hypothétique. | Course à pied lors de l’interpellation, refus de rester immobile. |
| Proportionnalité de la mesure | La contrainte doit être strictement proportionnée à la situation. | Même si un risque existe, la réponse doit rester adaptée. | Menotter brièvement un suspect turbulent → proportionné ; maintenir menotté un individu calme et coopératif pendant longtemps → disproportionné. |
| Prise en compte de l’état de la personne | L’âge, l’état de santé, la vulnérabilité doivent être pris en compte. | La mesure peut être inadaptée pour une personne fragile. | Personne âgée fragile ou femme enceinte → menottage possible uniquement si danger grave ou fuite. |
| Durée minimale | Les menottes doivent être retirées dès que la nécessité cesse. | On ne maintient pas quelqu’un menotté « par habitude ». | Après placement sécurisé dans un véhicule, si plus de danger → les menottes devraient être retirées. |
| Interdiction des traitements dégradants | Le menottage ne doit pas porter atteinte à la dignité ni causer de souffrance inutile. | Aligné sur la CEDH (art. 3). | Menottage derrière le dos sans raison, ou menottes trop serrées → illégitime. |
| Justification écrite/verbale possible a posteriori | Les forces de l’ordre doivent pouvoir justifier leur décision. | Importance en cas de contestation judiciaire. | Rapport d’interpellation précisant danger ou fuite. |
Revenons plus en détails sur les trois aspects essentiels du menottage :
- Il doit répondre au principe de nécessité
- Il doit être utilisé uniquement en cas de dangerosité ou de risque de fuite
Principe de nécessité
Le principe de nécessité impose que cette mesure ne soit utilisée que lorsqu’elle est indispensable pour garantir la sécurité ou prévenir un risque réel. Les forces de l’ordre doivent démontrer qu’aucune alternative moins contraignante n’était possible.
✅ Par exemple, lorsque vous êtes dans un cas d'infraction en flagrant délit, le risque de fuite est élevé. Pour prévenir ce risque, le menottage devient alors nécessaire.
Dangerosité pour autrui ou pour soi-même
Le principe de dangerosité justifie le menottage lorsqu’une personne représente une menace réelle pour elle-même ou pour autrui. Juridiquement, la dangerosité s’apprécie au regard de :
- Comportements violents, imprévisibles
- Attitudes susceptibles de causer un dommage immédiat
- Risques d’auto-agression
Concrètement, elle est caractérisée en cas d’agressivité manifeste, de coups portés, de cris menaçants ou de tentative de suicide. C'est la police qui se charge d'apprécier le niveau de dangerosité qui vient justifier le menottage.
✅ Par exemple, lors d'un flagrant délit signalé par un citoyen, le menottage peut être nécessaire pour empêcher une réaction violente à l'égard du dénonciateur.
Risque de fuite
Rassurez-vous, vous n'allez pas être menotté en cas de refus d'un contrôle d'identité par les forces de l'ordre, ou bien si vous venez de déclarer une infraction aux autorités. En revanche, vous pourriez l'être si vous présenter ce qui est juridiquement caractérisé comme un risque de fuite.
Il s'agit en effet des éléments objectifs laissant penser qu’une personne pourrait échapper au contrôle ou à la garde. Il s’apprécie à partir :
Du comportement : tentative de s’éloigner, agitation, refus de rester immobile
Du contexte : interpellation en pleine rue, contrôle routier
D’antécédents connus de fuite
Parlons maintenant jurisprudence.
Jurisprudence sur l’article 803 du Code de procédure pénale

Décisions de justice en lien avec l'usage du menottage
De nombreuses décisions de justice sont venues :
- Soit, renforcer la justification et la nécessité de l'usage des menottes dans certains contextes
- Soit, questionner l'un des aspects de l'exécution de l'usage des menottes (liés à la proportionnalité ou plus largement, à un traitement jugé discriminant)
Cela a nécessairement un impact sur les pratiques policières et les décisions de justice futures, qui reposent sur la jurisprudence pour rendre leur verdict.
Voici deux exemples de jurisprudence sur l'usage des menottes en France :
Un détenu a été menotté lors d’examens médicaux et en présence de personnels de surveillance. Il contestait le menottage et les conditions de l’examen comme constitutives d’un traitement dégradant.
⏭️ La Cour de cassation a validé le menottage, considérant qu’il était justifié au vu du “statut et du comportement antérieur du détenu”.
Les requérants dénonçaient des violences policières (coups, usage de la force) lors d’une interpellation, et contestaient notamment le menottage comme partie de ces mauvais traitements.
⏭️ La Cour a jugé le menottage sans justification appropriée. L’État français a alors été condamné sur le fondement de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)
Effets sur les forces de l’ordre
Si les forces de l'ordre ne respectent pas l'article 803 du CPP, elles peuvent faire face à plusieurs types de conséquences :
- Des conséquences sur la recevabilité de l'arrestation : si le menottage est jugé excessif (atteinte à un droit fondamental), la mesure peut être considérée caduque et les preuves recueillies contestées (surtout s'il y a eu menottage garde à vue obligatoire)
- Des conséquences sur la responsabilité de l'agent ou des agents concernés : sanction disciplinaire pour non-respect de l'article 803 (avertissement, suspension, exclusion), responsabilité pénale (pour mise en danger d'autrui), responsabilité civile (préjudice moral, physique ou indemnitaire)
- Des conséquences sur les pratiques des forces de l'ordre : les protocoles sont souvent adaptés en intégrant les nouvelles jurisprudences dans les consignes, et en proposant de nouvelles formations internes
Article 803 : droits des individus et recours possibles
Là où l'article 803 du CPP dote les forces de l'ordre d'un outil pour gérer et organiser la sécurité collective, cela n'exclut pas que le traitement doive se faire dans le respect de la dignité humaine. L'article 803 met bien l'accent sur le principe de proportionnalité qui doit respecter cette dimension de dignité humaine.
Respect de la dignité humaine
Le principe de dignité humaine affirme que toute personne possède une valeur intrinsèque qui impose le respect de son intégrité physique et morale. En droit, il interdit les traitements humiliants, dégradants ou attentatoires au respect dû à la personne, indépendamment de son comportement ou de son statut (gardé à vue, détenu, interpellé).
Ce principe fonde de nombreuses protections :
- Interdiction des violences inutiles
- Respect de la vulnérabilité
- Proportionnalité des contraintes
Cela est donc très pertinent dans le cadre de l'usage du menottage.
Recours pour contester un menottage abusif
Lorsque vous faites face à un menottage abusif, plusieurs modes de contestations s'offrent à vous :
Contester au moment du menottage excessif
Que ce soit en garde à vue (demandez à ce que cela soit inscrit au procès-verbal) ou devant le juge (tenez votre position en expliquant pourquoi vous considérez le menottage abusif)
Faire un signalement ou une plainte administrative
Deux options s'offrent à vous. La première est de saisir le Défenseur des droits (surtout en cas de menottage systématique). La seconde est l'IGPN / IGGN, pour les cas d'atteinte à la déontologie
Des conditions s'appliquent selon le recours choisi (éléments à porter au dossier, argumentaire)
Déposer une plainte pénale
Vous pouvez la déposer auprès du procureur ou de la gendarmerie.
C'est recommandé si cela a été accompagné de violences ou de mauvais traitements.
Vous avez également des droits, comme celui de demander l'indemnisation de vos frais de justice en cas de menottage abusif avéré.
S'il n'est possible de contester leur dimension abusive qu'après avoir été menotté, puis relâché, vous pouvez déterminer le niveau de recours selon la gravité des actes. Si le menottage est abusif au sens de la légalité (pas de fondement légal), une plainte à la gendarmerie suffit. Si le menottage abusif s'est accompagné de coups et blessures, contactez l'IGPN/IGGN.
Que dit le droit international sur l’usage des menottes ?
À l’échelle internationale, des organisations comme l’ONU établissent des principes généraux encadrant l’usage de la force, promeuvent la dignité humaine. Elles influencent ainsi les législations nationales et les pratiques policières.
En Europe, c'est la CEDH qui veille au respect des droits fondamentaux et contrôle que les pratiques policières, dont le menottage, restent humaines, nécessaires et proportionnées.

Droit international et européen : quelles limites à l’usage des menottes ?
Dans le droit international et européen, on retrouve des sources très précises sur l'usage des menottes, notamment à travers des organisations comme :
La Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH)
Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT)
L'Organisation des Nations Unies (ONU)
Ces dernières contribuent à l'élaboration de normes et recommandations internationales encadrant le recours aux menottes afin d’en garantir un usage proportionné et respectueux des droits fondamentaux. Voici quelques exemples :
- La CEDH interdit les traitements inhumains ou dégradants (article 3), ce qui s’applique au menottage2
- Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) recommande un usage limité, encadré, et toujours justifiable
- Les Règles Mandela de l’ONU interdisent toute contrainte physique inutile ou humiliante
Utilisation des menottes dans d’autres pays
Que ce soit en Europe ou dans le monde, chaque pays possède ses propres règles et pratiques en lien avec le menottage. Ce qu'elles ont en commun avec la France, c'est :
- Dans tous les pays, l'usage des menottes doit être nécessaire, proportionnel et justifié objectivement (fuite, danger, ou protection)
- Les limites communes concernent les mêmes aspects, à savoir la proportionnalité, la durée minimale, et la prise en compte de la vulnérabilité
Voici un comparatif des pratiques avec d'autres pays :
| Pays | Quand le menottage est autorisé | Principales limites / garanties | |
|---|---|---|---|
| France | Lors d’une interpellation si la personne est dangereuse, risque de fuite, ou pour préserver la sécurité des personnes. | Usage limité au strict nécessaire, attention à l’état physique/psychologique ; le menottage abusif peut constituer un traitement inhumain/dégradant. | |
| Royaume-Uni (Angleterre & pays de Galles) | Autorisé si justifié objectivement pour prévenir un crime, assurer sécurité ou éviter fuite. | La pose de menottes est une application de force : doit être raisonnable, nécessaire et proportionnée ; tenir compte de l’âge, du sexe, de la vulnérabilité. | |
| États-Unis | Lors d’arrestations, contrôles ou pour la sécurité ; soumis à appréciation raisonnableness (ce qui est « raisonnable » dépend des circonstances). | Toute utilisation excessive peut être qualifiée de force excessive (violation constitutionnelle) ; examen factuel par les tribunaux. | |
| Allemagne | Lorsqu’une personne est en garde des agents et qu’il existe risque d’attaque, de fuite ou d’automutilation. | Conditions strictes : appréciation des circonstances, proportionnalité et santé de la personne ; règles détaillées dans les PAG/UZwG régionaux. | |
| Canada | Autorisé pour assurer la sécurité, empêcher fuite ou protéger la personne (ex. transport, détention). | Beaucoup de services imposent formation, rapports, évaluation des personnes vulnérables ; utiliser le moins de contrainte possible. | |
| Australie | Permis pour contrôle, arrestation, transport — mais souvent décrit comme « compliant handcuffing » si sans résistance. | Doit rester proportionné, pour la plus courte durée ; règles spécifiques pour jeunes/vulnérables ; reporting exigé selon le contexte. |
Ce que la France peut apprendre du droit comparé
Le droit comparé met en lumière l’importance de la traçabilité, de la formation des agents et du contrôle externe sur l’usage des menottes. Là où certains pays vont avoir une doctrine de sanction (comme aux États-Unis), d'autres prônent la formation (comme en Norvège).
Qui peut mettre les menottes ? Seules les forces de l'ordre sont habilitées à passer des menottes pour un motif légitime.
Qui peut être menotté ? N'importe quelle personne présentant un comportement dangereux ou un risque de fuite dans le cadre d'un contrôle ou d'une interpellation, dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité.
Le menottage est-il systématique ou automatique ? Non, le menottage doit seulement être utilisé dans les cas appréciés comme nécessaires.
Faut-il accepter le menottage ? Chaque prévenu dispose de droits, même en cas de menottage nécessaire et justifié.
Sources
- Légifrance, Code de procédure pénale, consulté le 15 novembre 2025,https://www.legifrance.gouv.fr/codes/texte_lc/LEGITEXT000006071154/
- Observatoire International des Prisons, "Le port des menottes et entraves sous le contrôle de la Cour européenne", consulté le 20 novembre 2025, https://oip.org/analyse/le-port-des-menottes-et-entraves-sous-le-controle-de-la-cour-europeenne/









