L'article 78‑2 du Code de procédure pénale encadre les conditions dans lesquelles les forces de l'ordre peuvent vérifier l'identité d'une personne. Il définit les motifs légaux, les obligations des agents et les droits des citoyens pour éviter les abus.
S'il s'agit bien d'un outil de sécurité publique, la question du contrôle d'identité fait l'objet de certains débats en France. Découvrez dans cet article l'un des fondements légaux en droit pénal, à savoir de l'article 78-2 CPP et ses implications pour les citoyens sur le sol français.
C’est quoi l’article 78 du Code de procédure pénale ?

Vous l'aurez compris : cet article 78 du Code de procédure pénale (ou "CPP"), définit les conditions dans lesquelles un contrôle d'identité est justifié par les forces de l'ordre ou tout autre représentant de la loi.
« Les officiers de police judiciaire peuvent inviter toute personne à justifier de son identité »
Article 78-2 du Code de procédure pénale
Parmi les termes importants, il faut retenir les 5 aspects suivants :
Contrôle d’identité
Opération visant à vérifier qui est une personne
Base légale
Cadre juridique qui autorise le contrôle
Motif légitime
Raison précise exigée par la loi (ordre public, infraction, réquisition…)
Proportionnalité
Le contrôle doit rester justifié et non abusif
Droits de la personne
Information du motif, respect, possibilité de vérification encadrée
Allons donc un peu plus en détails dans la théorie et la mise en pratique de cet article.
Dans quels cas un contrôle d’identité est-il autorisé ?
Tout contrôle d'identité qui se produit en France doit être motivé par :
Un motif légal prévu au code de procédure pénale
Ce motif légal est la base qui permet de déterminer le type de contrôle d'identité réalisé, et les droits et sanctions associés.
Les motifs légaux prévus par l’article 78-2
Plusieurs motifs légaux peuvent pousser à un contrôle d'identité par les forces de l'ordre.
| Motif légal | Description | Référence |
|---|---|---|
| Prévention d’atteintes à l’ordre public | Contrôle pour éviter troubles, infractions ou risques pour la sécurité. | Article 78-2 CPP |
| Suspicion d’infraction | Indices laissant penser qu’une personne a commis ou tente de commettre une infraction. | Article 78-2 CPP |
| Mandat ou personne recherchée | Vérifier si la personne fait l’objet d’un mandat ou signalement. | Article 78-2 CPP |
| Protection | Vérifier l’identité d’une personne en danger ou au comportement inquiétant. | Article 78-2 CPP |
| Contrôles routiers | Vérification de l’identité du conducteur ou des passagers. | Article 78-2 al. 4 CPP |
| Réquisitions du procureur | Contrôles ordonnés dans une zone ou une période définie par réquisition. | Article 78-2 al. 7 CPP |
| Zone frontière / immigration | Contrôles liés à l’immigration irrégulière dans certaines zones. | Article 78-2 al. 9 CPP |
Les différents types de contrôles d’identité
types de contrôles d'identité
Ces grands types de contrôles d'identité diffèrent selon l'objectif, le contexte et la personne contrôlée :
- Le contrôle d'identité judiciaire, en cas de suspicion d'infraction
- Le contrôle d'identité administratif, pour prévenir l'ordre public
- Le contrôle sur réquisition du procureur de la République, pour définir des contrôles ciblés
- Le contrôle en zone frontalière, pour lutter contre l'immigration irrégulière
Voici plus de détails sur ces types de contrôles d'identité.
Le contrôle d’identité judiciaire
Le contrôle d’identité judiciaire intervient lorsqu’il existe des indices laissant penser qu’une infraction a été ou va être commise. Il est réalisé exclusivement par un officier de police judiciaire, qui doit pouvoir justifier d’un comportement ou de circonstances réellement suspectes.
Ce contrôle s’inscrit dans une logique d’enquête, qui permet :
- D’identifier un auteur potentiel
- De prévenir la commission d’une infraction
- De vérifier une situation douteuse
Le contrôle d'identité judiciaire peut être une réponse à l'intervention d'un citoyen face à un flagrant délit (article 73 du CPP) ou d'une signalisation volontaire d'un citoyen d'un flagrant délit en cours (article 40 du CPP).
Le contrôle d’identité administratif
Le contrôle d’identité administratif est réalisé à titre préventif, même sans infraction constatée. Son objectif est de prévenir une atteinte à l’ordre public, par exemple :
Lors d’un événement à risque (manifestation violente, rencontres sportives)
Dans un lieu public sensible (lieu de pratique religieuse, institution)
Il doit reposer sur des circonstances particulières justifiant une vigilance accrue. Les policiers et gendarmes peuvent ainsi vérifier l’identité d’une personne afin d’éviter un trouble potentiel avant qu’il ne survienne.
Cette mesure ne vise pas à rechercher un auteur d’infraction, mais à assurer la sécurité collective. Si une infraction est constatée, les forces de l'ordre peuvent faire un usage modéré des menottes (article 803 du CPP) et procéder au contrôle ensuite, au lieu de l'inverse.
Le contrôle sur réquisition du procureur de la République
Le contrôle d’identité sur réquisition du procureur est autorisé par une réquisition écrite qui fixe une zone précise et une durée limitée, généralement de 24 heures maximum. Dans ce cadre, les forces de l’ordre peuvent contrôler toute personne sans avoir à constater un comportement suspect.
L’objectif est de permettre des opérations ciblées, souvent liées à la délinquance locale, aux trafics ou à la sécurité dans des lieux sensibles. Ce type de contrôle n’est pas fondé sur une suspicion individuelle mais sur un cadre légal strictement délimité.
Le contrôle en zone frontalière
Le contrôle d’identité en zone frontalière est possible dans un rayon de 20 km autour des frontières, ports, gares et aéroports internationaux. Il vise à prévenir les infractions transfrontalières, notamment l’immigration irrégulière ou certains trafics.
Ce contrôle peut être réalisé même sans comportement suspect, mais il ne doit jamais être systématique : sa durée est strictement limitée à six heures pour éviter tout détournement de procédure.
Les forces de l’ordre doivent adapter cette mesure aux circonstances et respecter les garanties prévues par la loi afin de concilier sécurité frontalière et liberté de circulation.
Quels sont vos droits lors d’un contrôle d’identité ?
Ce n'est pas parce que le contrôle d'identité est motivé par le Code de procédure pénale et un contexte particulier que vous ne disposez d'aucun droit lors de cette vérification d'identité. Que ce soit lors d'un cas de flagrant délit (article 53 du CPP) ou non, vos droits s'appliquent de la même manière.
Vos droits face aux forces de l’ordre
Lorsque la police ou la gendarmerie vous arrête ou vous demande de justifier de votre identité, que ce soit pour une vérification de routine ou bien ciblée, vous avez des droits :
Être informé du motif légal du contrôle
Même si le motif paraît évident (un contrôle à une frontière physique, par exemple), l'agent est tenu de vous expliquer clairement pourquoi vous faites l'objet d'un contrôle d'identité
Présenter une pièce d'identité
Carte nationale d'identité, passeport ou permis de conduire suffisent pour décliner votre identité. Aucun autre papier officiel n'est reconnu pour une vérification d'identité
Oubliez par exemple votre carte bancaire ou votre carte fidélité...
Décliner son identité oralement
Si vous n'avez pas de papier d'identité, vous pouvez choisir de décliner votre identité oralement, et répondre aux questions des officiers
Cela n'est possible que dans certains cas, par exemple pour un contrôle aléatoire dans la rue sans ciblage particulier. En cas de faute ou infraction, l'absence de pièce d'identité pour décliner votre identité pourra engendrer des poursuites
Ne pas recevoir de traitement discriminant ou humiliant
C'est un acquis, mais toutes dérives doivent être signalées et rapportées
Que faire en cas de contrôle abusif ou discriminatoire ?
Malheureusement, l'un des principaux sujets autour du contrôle d'identité reste . Dans un pays démocratique et libre, la notion de vérification d'identité fait immédiatement référence à une restriction de liberté, ce qui peut amener à un sentiment d'injustice, surtout lorsque le contrôle s'avère abusif ou discriminatoire.
Qu'est-ce qu'un contrôle d'identité abusif ou discriminatoire ?
Un contrôle d’identité est abusif lorsqu’il ne respecte pas la loi, c’est-à-dire qu’il est réalisé sans motif légal prévu par le Code de procédure pénale, de manière arbitraire ou disproportionnée. Il s'agit d'un contrôle illégal au sens de l'article 78-2 du Code de procédure pénale.
Un contrôle d’identité est discriminatoire lorsqu’il est réalisé en raison d’un critère comme l’origine réelle ou supposée, la couleur de peau, la religion ou l’apparence physique. Il viole le principe d’égalité et peut constituer une discrimination pénalement sanctionnée (article 225-1 du Code pénal).
Si le Code de procédure pénale ne prévoit pas de définition à ce que peut constituer un contrôle d'identité abusif ou discriminatoire, on peut cependant retrouver des définitions et jurisprudences dans les ressources suivantes :
- Dans le Code pénal (article 225-1 sur la discrimination)
- Dans la jurisprudence, notamment du Conseil d’État et de la CEDH
- Dans des analyses du Défenseur des droits.
Il est important de recueillir des témoignages (si cela s'est produit dans un lieu public), de noter l’heure et le lieu, afin qu'une enquête puisse être menée. Vous pouvez également porter plainte dans un commissariat (main courante) ou bien saisir le Défenseur des droits.
Que se passe-t-il en cas de refus de contrôle d’identité ?
Que ce soit parce que vous trouvez le motif de contrôle abusif ou discriminant, ou simplement parce que vous ne souhaitez pas vous soumettre au contrôle d'identité, c'est votre décision.
Sachez cependant qu'en cas de refus de contrôle d'identité, des sanctions et suites judiciaires sont possibles. Ces dernières seront activées selon la gravité de la situation, en lien avec le motif et votre attitude envers les forces de l'ordre.
Faisons le point rapidement.

Quelles sanctions sont prévues par la loi ?
Refuser un contrôle d’identité entraîne généralement une vérification d’identité pouvant aller jusqu’à quatre heures au poste si vous ne présentez aucun document. Le refus peut aussi conduire l’agent à procéder à un contrôle plus poussé ou à vous retenir pour confirmer votre identité.
En revanche, ce refus n’est pas une infraction pénale en soi, sauf si vous refusez ensuite la prise d’empreintes ou de photographies judiciaires. Voici un récapitulatif des sanctions encourues en lien avec le motif de refus :
| Refus | Conséquence / Sanction légale | Références |
|---|---|---|
| Refus de justifier son identité | Rétention jusqu’à 4 h pour vérification de l’identité | Article 78-3 CPP |
| Refus de fournir des documents d’identité | Idem — possibilité de conduire au commissariat pour vérifier l’identité | Article 78-3 CPP |
| Refus de se soumettre à la prise d’empreintes ou à une photographie (si autorisé) | Délit : jusqu’à 3 mois de prison + 3 750 € d’amende | Article 78-5 CPP |
Quelles suites judiciaires possibles ?
Un refus de contrôle d’identité peut entraîner des suites judiciaires selon l’attitude adoptée. Si le refus s’accompagne d’agressivité, de résistance ou d’outrages, le procureur peut engager des poursuites :
- Simple rappel à la loi
- Convocation pour audition libre au tribunal
- Placement en garde à vue en cas de violences ou insultes envers les forces de l’ordre
Ce ne sont donc pas le refus lui-même, mais les comportements associés qui exposent à des sanctions pénales. Dans le cas de poursuites judiciaires qui vous donneraient raison, vous pouvez faire valoir votre droit à être indemnisé de vos frais de justice (article 475 du CPP).
Article 78-2 : quelles sont les évolutions prévues ou en débat ?

Selon le rapport "Relations Police/Populations" du Défenseur des droits1, 26 % de la population de France métropolitaine a été contrôlée au moins une fois sur les 5 dernières années en 2024, contre 16 % en 2016.
entre 2016 et 2024 selon le défenseur des droits
Face à cette augmentation, des réformes visent à renforcer et améliorer l'encadrement de ces contrôles, en pratique.
Réformes récentes de l’article 78-2 du CPP
Parmi les récents ajustements de l'article 78-2 du CPP2, deux mesures visent à rendre les contrôles plus transparents et vérifiables, dans le but de renforcer la confiance entre police et population :
D'un côté, le débat parlementaire en 2024-2025 porte sur l’ajout d’un récépissé systématique lors des contrôles d’identité (motif, heure, matricule de l’agent)
De l'autre, il est envisagé de rendre l’enregistrement vidéo obligatoire quand un tel contrôle intervient selon l’article 78-2
Vers un meilleur encadrement des contrôles ?
Le Défenseur des droits est au-devant des recommandations pour renforcer l'encadrement des contrôles, en préconisant notamment :
- De modifier l’article 78-2 du Code de procédure pénale pour interdire les critères de discrimination (origine, apparence, etc.) dans les contrôles
- De mettre en place un dispositif d’évaluation des contrôles (efficacité, impact, traçabilité) et publier régulièrement les résultats
- Ou de formaliser une doctrine d’emploi (un guide) définissant les conditions, le déroulé d’un contrôle, et encadrant les actes connexes comme les palpations
D'autres acteurs sont engagés activement pour la reconnaissance, l'amélioration et le renforcement de cette loi, notamment :
- Des députés et sénateurs débattent régulièrement de la nécessité de réformer l’article 78-2 CPP, notamment pour mieux définir les motifs légaux et prévenir les contrôles abusifs
- Plusieurs associations (Human Rights Watch, Amnesty International, OMCT, Open Society Justice Initiative, Ligue des droits de l’Homme) militent pour : l’interdiction explicite des contrôles discriminatoires, un contrôle indépendant des pratiques policières, et davantage de transparence sur les statistiques de contrôle
Ces débats s'inscrivent dans une réflexion plus large qui sera l'objet d'une grande attention à l'occasion des élections présidentielles 2027.
Qui peut mener un contrôle d'identité ? La police nationale ou la gendarmerie
Le contrôle d'identité est-il toujours motivé ? Il doit en tout cas être motivé par les motifs légaux présentés dans le Code de procédure pénale
Que faire en cas de refus ou d'abus de contrôle d'identité ? Renseignez-vous sur vos droits et recours en cas d'abus, dans la section dédiée de notre article
Sources
- Rapport annuel du Défenseur des droits 2024, 2ème édition, consulté le 20 novembre 2025, https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/2025-06/ddd_EAD-2024_volume-1_relations-police-population.pdf
- Légifrance, article 78-2 du Code de procédure pénale, consulté le 21 novembre 2025, https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037399447









