L’article 73 permet à tout citoyen, pas seulement aux policiers, d’intervenir lorsqu’un crime ou un délit est commis sous ses yeux. Il encadre ce qu’on appelle le « droit d’appréhension » : un droit d’interpellation réservé à des situations très précises, comme le flagrant délit.
Il est donc essentiel de bien comprendre quand et comment agir sans se mettre en tort. Voici tous les détails à connaître sur l'article 73 CPP.
Qu’est-ce que l’article 73 du Code de procédure pénale ?

Pour vous rappeler un point clé du droit pénal en France, tout le monde a le droit à la présomption d'innocence. Cela n'empêche pas qu'en cas d'infraction, surtout en flagrant délit, une action peut être menée pour stopper l'infraction en cours, ou bien appréhender le suspect.
Puisque les forces de l'ordre ne sont pas toujours disponibles ou à proximité du lieu d'une infraction, l'article 73 du Code de procédure pénale1 prévoit que les citoyens puissent intervenir dans le cadre du droit d'appréhension, face à une infraction en cours.
Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche.
Article 73 du Code de procédure pénale
Ainsi, n'importe quel citoyen témoin de la scène peut intervenir. Parmi les mots à retenir concernant l'article 73 du CPP, on retrouve :
Flagrant délit
Il y a flagrant délit lorsque l’infraction vient de se commettre, ou la personne est poursuivie ou retrouvée immédiatement après les faits avec des indices laissant penser qu’elle en est l’auteur
Crime
Un crime est une infraction parmi les plus graves (ex. homicide volontaire, viol, vol à main armée)
Délit
Un délit est une infraction d’une gravité intermédiaire (ex. vol simple, violences aggravées, escroquerie, conduite en état d'ébriété)
Appréhension
L’appréhension désigne le fait, pour une personne, de retenir physiquement ou d’immobiliser l’auteur d’un crime ou d’un délit en flagrance afin de le conduire devant un officier de police judiciaire
Vous vous demandez sans doute : quelle est différence avec l'article 53 sur le flagrant délit ? C'est très simple :
L'article 53 définit précisément la situation de flagrant délit, avec les conditions à prendre en compte et les situations
L'article 73 encadre l’intervention possible de toute personne pour appréhender l’auteur présumé lorsque la flagrance est constatée
Ainsi, en tant que citoyen, vous pouvez également procéder à une "arrestation", ce que l'on qualifie ici "d'appréhension", en respectant les principes de proportionnalité, surtout dans l'usage de la force. Vous pouvez ensuite présenter la personne à l'Officier de Police Judiciaire (OPJ) qui sera mobilisé pour l'arrestation, la mise des menottes éventuelle, puis la garde à vue. Résumé en vidéo :
Maintenant, regardons de plus près le contenu de l'art 73 CPP.
Article 73 : qui peut intervenir et dans quelles conditions ?
La réponse est simple : tout le monde et n'importe qui ! L'article 73 du Code de procédure pénale possède un cadre très large, bien qu'un champ d'action limité sur l'infraction flagrante, mais les individus concernés sont le tout à chacun.
Cette universalité permet de responsabiliser les Français et de permettre des actions plus réactives face à des délits ou des crimes commis.
Allons plus en détails sur le comportement à adopter en tant que citoyen intervenant.

Un droit ouvert à tous les citoyens
Toute personne peut intervenir si un délit ou crime est constaté en flagrant délit. Il peut s'agir :
- D'une personne lambda, un civil ou un citoyen dans la rue, sur la route
- D'une personne avec un rôle ou une fonction liée à la sécurité (agent de surveillance)
- D'une personne en train de réaliser une prestation, un service, ou son travail, pendant que l'infraction se déroule
Voici un tableau assez complet sur le type de situations ou de cas concrets que vous pourriez rencontrer, en tant que citoyen, et dans lesquels vous pourriez être amené à intervenir :
| Situation typique | Infraction flagrante | Personnes pouvant intervenir | Exemple d’intervention autorisée |
|---|---|---|---|
| Vol dans un magasin | Vol simple puni d’emprisonnement | Agent de sécurité, vendeur, gérant | Immobiliser calmement le voleur et appeler la police |
| Pickpocket dans les transports | Vol à la tire | Passagers, conducteur, contrôleurs | Retenir la personne prise la main dans le sac |
| Agression physique dans la rue | Violences volontaires | Passants, commerçants proches | Séparer les protagonistes et maintenir l’agresseur jusqu’à l’arrivée des forces de l’ordre |
| Dégradations (vitrine, véhicule) | Dégradation volontaire | Propriétaire, riverains, commerçant | Empêcher l’auteur de quitter les lieux |
| Accident volontaire avec fuite | Mise en danger / violences | Témoin, autre conducteur | Bloquer le véhicule ou retenir le conducteur |
| Escroquerie flagrante dans une mairie | Escroquerie | Agents municipaux, agent d’accueil | Retenir l’auteur dans le hall et prévenir la police |
| Départ d’incendie volontaire | Destruction volontaire par incendie | Riverains, agents de sécurité | Empêcher l’auteur identifié de s’éloigner |
| Intrusion dans une école avec vol | Vol ou tentative de vol | Personnel éducatif, agents territoriaux | Contenir la personne en attendant l’OPJ |
Comment agir sans enfreindre la loi ?
Comme dans toute situation à risque, la prise d'initiative doit être encadrée et mesurée. Dans ce cas présent, vous n'avez pas de rôle professionnel, comme c'est le cas d'un CRS par exemple, qui doit respecter sa déontologie et ses règles internes.
En tant que citoyen, même si vous agissez dans un but de bonne foi, il ne faut pas enfreindre la loi à votre tour sous prétexte d'appréhender un suspect. Voici quelques conseils à garder en tête :
✅ Bonne attitude
- Rester calme et le plus direct possible
- Demander de l'aide autour de soi si la situation s'envenime, afin de mobiliser le suspect plus efficacement
- Prévenir la police, ou demander à un autre témoin de le faire, si vous mobilisez physiquement la personne
❌ À ne pas faire
- Adopter un comportement violent, même si l'individu mobilisé présente des signes de violence
- Faire des abus, notamment sur l'usage de la violence (menace avec une arme blanche, par exemple) ou toute autre forme de contrainte
- Arrêter quelqu'un dans le cadre d'une vendetta personnelle
En cas d'abus, un procès avec des frais de justice peut avoir lieu et certaines conséquences pourraient se retourner contre vous. Par exemple, une demande d'indemnisation des frais est possible sous conditions par le suspect, et ça serait à vous de payer.
Quels sont les droits et devoirs des personnes impliquées dans l’article 73 CPP ?

Les droits de la personne interpellée
Il faut également savoir que ce n'est pas parce qu'une personne a été momentanément détenue pour soupçon de flagrant délit, qu'elle sera automatiquement emprisonnée. Pour toute nouvelle affaire, des dispositions spécifiques sont prises et chaque contexte est différent.
La personne interpellée, de son côté, dispose de deux droits fondamentaux :
La présomption d'innocence, respect de sa dignité
Le droit à ne pas être retenu arbitrairement
On retrouve ces éléments dans la suite de l'article 73 du Code de procédure pénale :
Lorsque la personne est présentée devant l'officier de police judiciaire, son placement en garde à vue, lorsque les conditions de cette mesure prévues par le présent code sont réunies, n'est pas obligatoire dès lors qu'elle n'est pas tenue sous la contrainte de demeurer à la disposition des enquêteurs et qu'elle a été informée qu'elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie.
Article 73 du Code de procédure pénale
Si un contrôle légal d'identité peut être réalisé, c'est uniquement par la police et les forces de l'ordre. D'où l'importance pour la personne d'appeler au plus vite les autorités pour procéder à la suite de l'intervention : il ne peut que restreindre le suspect en attendant ces dernières.
D'ailleurs, dans un arrêt de 1989, la Cour a jugé qu’un citoyen intervenant sous l’article 73 ne peut pas exercer de pouvoirs permanents de police : son rôle s’arrête dès la remise à la justice.
Les droits des témoins et des victimes
Il n'est pas évident d'adopter un comportement mesuré dans la précipitation, sans entraînement ni consignes. Sachez d'abord qu'il n'y a aucune obligation à agir face à une flagrance, sauf si l'on peut vous condamner pour non-assistance à personne en danger (personne blessée suite à un accident par exemple).
En tant que témoin ou victime :
- Vous ne pouvez pas être traité comme suspect ou détenu sans justification. Dans le cadre d’une enquête, les règles de droit commun s’appliquent : liberté provisoire, audition libre, respect des droits fondamentaux
- Vous pouvez conserver un rôle distinct, s'il y a une enquête ou un procès. Vous pouvez être entendu, assister à la procédure, demander des mesures de protection (anonymat, éloignement, etc.), ou constituer partie civile si cela est pertinent
Il y a des précautions à prendre pour se protéger juridiquement. Un cas typique d'actualité qui a pu générer de vives réactions, n'est autre que celui d'un homme se faisant cambrioler chez lui, qui immobilise le cambrioleur en lui blessant gravement la jambe (= interpellation à domicile en flagrant délit), rendant sa fuite impossible jusqu'à l'arrivée des policiers. Résultat : la justice le condamne à des dommages pour "usage disproportionné de la force". Regardons ensemble une courte vidéo sur comment agir dans des cas similaires :
Évolutions et débats autour de l’article 73

Ce qui a changé récemment
L’article 73 a été modifié par la loi n°2014-535 du 27 mai 2014, entrée en vigueur le 2 juin 2014. Cela impacte notamment le caractère non-obligatoire de la garde à vue. L'appréhension par une personne lambda n’implique donc pas nécessairement un maintien en détention provisoire, si les conditions légales de la garde à vue ne sont pas réunies.
Cela pose d'importantes questions sur le bien-fondé de l'intervention citoyenne, qui présente des risques pour la personne intervenante, et qui peut se retrouver sans "soutien" à l'issue de la démarche.
Pour autant, cela continue d'être pertinent, face à la hausse de la criminalité et des infractions en tous genres en France. Selon le bilan statistique Insécurité et délinquance pour l’année 20232 du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) :
- Ces chiffres explosent depuis 10 ans
- Rien qu'avec les vols, cambriolages et agressions, on constate pas moins de 4 millions d'infractions en France par an, soit une augmentation de 20% par rapport à 2016
entre 2016 et 2024 selon le SSMI
Les propositions de réforme
L'article 73 présente cette distinction d'être à mi-chemin entre l'efficacité des procédures pénales (appréhension citoyenne pour faciliter le travail des forces de l'ordre) et de l'autre, le maintien des libertés fondamentales des individus (présomption d'innocence). Par exemple, l'obligation de signalement d'une infraction vise seulement à faciliter la question des procédures, mais n'implique pas nécessairement le droit à la liberté de chacun.
Si des réformes concrètes sur l'article 73 ne sont pas actuellement en débat, une réforme du Code de procédure pénale est prévue entre 2025 et 2026, dans l'optique de "simplifier" et faciliter certaines procédures. Faut-il mieux encadrer ce droit ? L’étendre ? Le réserver à certaines situations ? Nous le verrons à mesure de ces débats parlementaires !
Qui peut intervenir ? N'importe quelle personne, témoin direct ou indirect de l'infraction peut intervenir
Quelles sont les infractions concernées ? Il s'agit de tous types d'infractions intermédiaires comme les délits ou les crimes (vols, agressions). Pour d'autres infractions, le citoyen n'est pas tenu d'agir
Un citoyen peut-il arrêter un suspect ? Si l'arrestation relève de la police, la personne peut en revanche immobiliser, restreindre ou appréhender un suspect jusqu'à l'arrivée des forces de l'ordre
Sources
- Légifrance, Article 73 du Code de procédure pénale, consulté le 29 novembre 2025, https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000029000766
- Interieur.gouv, Insécurité et délinquance en 2023, consulté le 30 novembre 2025, https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques-de-presse/insecurite-et-delinquance-en-2023-bilan-statistique-et-atlas









