L’article 40 du Code de procédure pénale (CPP) joue un rôle crucial dans le fonctionnement de la justice pénale française. Il impose à toute autorité publique ou tout fonctionnaire l’obligation de signaler au procureur de la République tout crime ou délit dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions.
Découvrons dans cet article le contenu, les implications et les cas concrets de cet article 40 CPP.
Qu’est-ce que l'article 40 du Code de procédure pénale ?
Le Code de procédure pénale (CPP) sert à encadrer la manière dont la justice pénale fonctionne en France.
Il fixe les règles que doivent suivre les autorités judiciaires — police, gendarmerie, procureurs, juges d’instruction — pour enquêter, poursuivre et juger les infractions.
Son rôle principal est de garantir que ces procédures respectent les droits des citoyens tout en assurant l’efficacité de la lutte contre la criminalité.

Définition de l’article 40 CPP
Un des principes fondamentaux dans le droit pénal français, c'est la notion de légalité. C'est-à-dire que toute infraction et que toute procédure restent encadrées par une base légale. C'est d'ailleurs ce que vise à faire le Code de procédure pénale : donner les règles et étapes à suivre en matière de procédure pénale.
En France, cela a d'autant plus d'importance que ces codes s'intègrent dans la Constitution de 1958. Le contexte de l'époque, et la création de l'article 40, reposait sur une volonté de responsabiliser les citoyens et les agents publics dans la lutte contre la criminalité.
Ainsi, l'article 40 du CPP1 indique la chose suivante :
Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.
Article 40 du Code de procédure pénale
Cependant, cet article se lit de façon connexe à d'autres articles complémentaires, qui figurent également au Code de procédure pénale.
Les articles complémentaires
Ces articles complémentaires viennent apporter une lecture complète sur le dispositif de dénonciation d'une infraction. Les articles fonctionnent de façon linéaire et complémentaire : la dénonciation entraîne l’action du procureur, qui peut décider des suites, avec un encadrement spécifique si l’affaire est classée sans suite et des dispositions adaptées pour certains cas particuliers.
Voici un bref récapitulatif entre les articles 40, 40-1, 40-2 et 40-3 du Code de procédure pénale :
| Article | Objet | Contenu principal | Particularités / Notes |
|---|---|---|---|
| 40 | Obligation de dénoncer | Toute personne ayant connaissance d’un crime ou délit peut ou doit le signaler aux autorités compétentes (procureur de la République ou police/juridiction). | L’obligation concerne surtout les fonctionnaires ou agents publics dans l’exercice de leurs fonctions. |
| 40-1 | Intervention du procureur | Le procureur peut classer sans suite, engager des poursuites, ou ordonner des investigations complémentaires après réception d’un signalement. | Permet au procureur de décider de l’opportunité des poursuites et de coordonner les enquêtes. |
| 40-2 | Classement sans suite | Décrit la procédure à suivre si le procureur décide de ne pas poursuivre l’affaire : notification aux parties, possibilité de recours. | La personne à l’origine du signalement peut contester le classement par une plainte avec constitution de partie civile. |
| 40-3 | Situations particulières | Prévoit des dispositions spécifiques pour certains types d’infractions ou situations sensibles (ex : violences sur mineurs, atteintes aux droits de l’homme). | Ces dispositions permettent un traitement renforcé ou particulier selon la gravité ou le contexte de l’infraction. |
Qui est concerné par l’article 40 et que faut-il faire ?
Concrètement, à quoi et à quoi se réfère l'article 40 ? Deux choses sont à souligner :
L'obligation de dénonciation concerne uniquement les agents de l'État, toutes fonctions publiques confondues
L'article 40 se focalise sur les crimes et délits, pas les "simples" infractions : il doit y avoir un critère de gravité pour justifier la dénonciation
Quelles sont les personnes soumises à l’obligation ?
Pour mieux comprendre qui sont les personnes soumises à l'obligation de dénonciation, nous avons préparé ce tableau récapitulatif, qui comprend des cas et exemples concrets.
| Catégorie de personnes | Obligation | Exemples concrets |
|---|---|---|
| Fonctionnaires et agents publics | Obligation de signaler les crimes et délits dont ils ont connaissance dans le cadre de leurs fonctions | Inspectrice du travail constatant des infractions à la sécurité dans une entreprise |
| Élus et responsables institutionnels | Obligation de signaler des infractions susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ou aux finances publiques | Maire découvrant des faits de corruption dans sa commune |
| Personnels territoriaux et hospitaliers | Obligation de signaler des infractions ou maltraitances constatées dans l’exercice de leurs missions | Directeur d’école suspectant des violences sur un enfant, médecin hospitalier constatant des sévices sur un patient |
| Enseignants et encadrants éducatifs | Obligation de signaler toute infraction ou atteinte à la sécurité ou à l’intégrité des personnes | Enseignant témoignant de violences entre élèves ou de harcèlement sur un enfant |
Quels faits doivent être signalés ?
Si chaque agent de l'État peut signaler des faits liés à son champ de compétences, d'autres faits peuvent être signalés s'il existe une forme de gravité, avec par exemple :
- Harcèlement moral
- Détournement de fonds publics
- Violences physiques à l'égard de collègues ou d'usagers
Ces faits ne concernent pas forcément les déclarations d'infraction en flagrant délit, même si cela peut indirectement en faire partie si les faits dénoncés se déroulent à l'instant ou sont en cours.
Lorsqu'un signalement est réalisé, c'est ensuite au Procureur de la République de décider des suites de l'affaire.
Comment faire un signalement conforme à l’article 40 ?

Le signalement est une démarche très sérieuse, puisqu'elle a une dimension administrative mais aussi légale.
Elle va, sur demande du Procureur et après étude du dossier, lancer une enquête sur la personne visée, ce qui peut avoir d'importantes conséquences sur la vie de cette dernière.
C'est pourquoi le signalement doit respecter certaines normes et une procédure claire, décrite dans le CPP.
À qui transmettre le signalement ?
Lorsqu'une infraction grave vous est connue, alors que vous tenez un poste de fonctionnaire, vous êtes alors tenu de transmettre un signalement. Deux options s'offrent à vous :
Directement auprès du Procureur de la République compétent
Auprès des représentants de l'ordre, notamment la gendarmerie
En général, la gendarmerie est mobilisée pour les délits graves ou en passe d'être commis, ce qui leur permet d'activer la procédure de flagrance. Dans les deux cas, le signalement va générer l'ouverture d'un dossier ou d'une étude, qui pourra se transformer en enquête si les conditions sont réunies.
Si le signalement doit toujours se faire par écrit (il est déconseillé de le faire à l'oral, sauf si vous obtenez un récipissé), vous n'êtes pas obligé de passer par votre hiérarchie, sauf en cas de conflit d’intérêt.
Le Procureur a un rôle clé pour déterminer la pertinence d'un dossier relatif à une infraction signalée concernant un citoyen. Il réalise les tâches suivantes : réception des signalements, évaluation et qualification juridique des faits, décision d’ouvrir une enquête, classer sans suite ou orienter vers une autre autorité…
Ce que doit contenir le signalement
Le signalement doit être le plus précis possible, et ne doit pas consister en de vagues accusations, qui pourraient se transformer en procès pour diffamation. L'autre raison de cette précision est de permettre au Procureur de prendre la décision la plus motivée possible.
Plus les faits sont évidents et motivés, plus il pourra donner suite au signalement.
👍 Il faut :
- Faits observés ou portés à connaissance, que ce soit à travers l'exercice de votre fonction ou non
- Une évaluation de leur niveau de gravité, d'un point de vue "expert" (votre fonction)
- Dates, lieux, personnes impliquées, en ayant de préférence des preuves (par exemple, récépissé de rendez-vous, extrait vidéo)
- Pièces justificatives relatives à l'infraction ou la situation de la personne, si elles sont disponibles
❌ Il ne faut pas :
- Donner des interprétations ou des jugements de valeur sur la personne, ou émettre des opinions
- Mentir sur les dates ou les faits mentionnés dans le signalement. Mieux vaut préciser un élément dont vous n'êtes pas sûr plutôt que de l'affirmer
- Fournir des critères à caractère discriminant
D'où l'importance d'avoir un signalement factuel, précis et impartial.
Chronologie d'un signalement
Le signalement suit un chemin très procédurier, d'où l'importance de bien se référer à l'article 40 du CPP.

Quand cela est applicable, les autorités procéderont à une vérification d'identité légale, éventuellement un passage des menottes en cas d'arrestation pour des faits jugés graves.
Application concrète et jurisprudence de l’article 40
Si, en théorie, cet article encourage et encadre la procédure sur les signalements, en pratique, les jurisprudences viennent bien démontrer que la bonne foi domine souvent les cas de dénonciation par un agent public.
En effet, l’article 40 encourage la responsabilité tout en encadrant strictement les abus.
Voyons ensemble quelques jurisprudences et surtout, les sanctions prévues en cas de dénonciation calomnieuse.

Cas réels d’application de l’article 40
Comme les cas de signalements peuvent survenir de tous les agents publics français et de toutes les fonctions publiques, il est difficile de catégoriser les cas réels d'application de l'article 40.
En pratique, il peut s'agir :
- D'un chef d’établissement qui signale des soupçons de harcèlement
- D'une mairie alertant sur une fraude aux marchés publics
- D'un médecin signalant des violences intrafamiliales
Tous ces agents ont un rôle d'alerte, mais le reste est laissé à l'appréciation du Procureur de la République, mais aussi des autorités qui seront potentiellement en charge du dossier.
Enseignements de la jurisprudence
La jurisprudence montre que les juridictions apprécient favorablement les signalements effectués de bonne foi, même lorsque les faits rapportés ne débouchent pas sur des poursuites. Ce qui compte, c’est la vigilance et le respect du devoir d’alerte.
Certaines jurisprudences indiquent que la poursuite d’un signalement (ou son absence) ne dépend pas uniquement du contenu, mais aussi de l’intention et de la rigueur. Cela incite à la prudence, notamment pour les professionnels (médicaux, administratifs) dont la parole peut entraîner des conséquences graves.
Un homme avait adressé de nombreux courriers accusant des experts judiciaires de corruption et de pratiques illégales. L’enquête a révélé que ces accusations étaient totalement infondées. Il a été condamné pour dénonciation calomnieuse.
La Cour a confirmé qu’un agent de Inspection du travail pouvait recourir directement à l’article 40 du Code de procédure pénale pour signaler des infractions, même lorsqu’il s’agissait de manquements au droit du travail (en l'occurence : cela est lié à une blessure grave d’une salariée due à une machine non conforme dans une blanchisserie-teinturerie).
En revanche, les manquements peuvent être sanctionnés : des agents publics ont été rappelés à l’ordre, parfois disciplinés, pour ne pas avoir transmis des informations graves portées à leur connaissance. En cas de signalement abusif, les citoyens peuvent être éligibles à se faire rembourser leurs frais de justice, et peuvent engager la responsabilité civile de l'agent dénonciateur à tord.
Débats et controverses autour de l’article 40
Parmi les reproches faits à l'article 40, ce sont les ambiguïtés sur les délais, ou sur la gravité des faits à signaler. La lourdeur, et les conséquences possibles, d'une enquête, invitent les signalants à réfléchir à plusieurs fois avant de signaler des faits, ce qui provoque un déséquilibre entre :
D'un côté, des signalements réguliers pour des faits de faible gravité
De l'autre, des signalements moins récurrents pour des faits très graves, mais sur lesquels il y a peu d'informations ou de preuves
La limite entre "suffisamment grave pour être signalé" et "suffisamment évident pour être instruit" doit être clarifiée et renforcée. De l'autre, il y a bien entendu des dérives évidentes à cet article, notamment les signalements abusifs ou utilisés comme levier hiérarchique (envers son propre corps ou sa propre hiérarchie). Cela pose la question de la motivation du signalant, qui devrait être étudiée au même titre que le signalement en tant que tel.
Dans l'actualité, notamment l'affaire Benalla2, des débats ont resurgi sur l'application et les mécanismes de l'article 40 du CPP. Cela a amené les parlementaires à demander :
- Une clarification des obligations des agents
- Une meilleure protection des signalants, pour éviter des problèmes de réputation et de carrière
Voilà de quoi réfléchir sur ses actions citoyennes.
Qui est concerné ? Tous les agents de l'État sont soumis à cette obligation de signaler toute infraction portée à leur connaissance dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions.
Quel type d'infraction est concerné ? Toutes les infractions, mais prioritairement les délits et crimes, font partie du champ d'action de cet article.
Pourquoi ce caractère obligatoire de la dénonciation ? Initialement inscrit au Code de procédure pénale pour responsabiliser les agents étatiques, c'est aujourd'hui une pratique encadrée, avec des obligations mais aussi des mécanismes de protection. Toute démarche de signalement doit être effectuée sérieusement et factuellement.
Sources
- Légifrance, Article 40 du Code de procédure pénale, consulté le 28 novembre 2025, https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006574933
- Le Monde, Benjamin Fiorini, L’affaire Benalla révèle « les failles de l’article 40 du Code de procédure pénale », consulté le 29 novembre 2025, https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/07/25/l-affaire-benalla-revele-les-failles-de-l-article-40-du-code-de-procedure-penale_5335712_3232.html









