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• Depuis quand développez­-vous un intérêt pour votre discipline et pour les cours particuliers ?

  Concernant la Philosophie, l'envie de connaître les secrets et les rouages de ce monde, de l'univers, de la Vie, a toujours été profondément ancrée en moi.
  
  Concernant, le Français et la Littérature, dès l'âge de sept ans, je me surprenais à écrire mes propres histoires. J'ai donc très vite mis en application ce que l'on m'avait appris à l'école : l'écriture. Mais ce n'est que bien plus tard, sur un plateau de théâtre, que j'ai réalisé le pouvoir et la puissance des mots : les mots sont vivants. Les histoires sont vivantes. Elles vibrent et n'attendent qu'à vibrer aussi en nous. Elles n'attendent que ça mais souvent, nous refusons de leur ouvrir nos portes.
  
  Bien sûr, philosophie et littérature sont intimement liées et se complètent l'une l'autre. Il ne peut y avoir de récit vide de toute substance philosophique, tout comme la philosophie s'appuie bien souvent sur le récit et le dialogue pour étayer ses idées.
  
  Concernant les cours particuliers, j'ai commencé à enseigner en 2019. Pourtant, rien ne m'y avait destiné. Lorsque j'étais adolescent, je rêvais d'une carrière d'officier dans l'armée, pleine d'aventure et d'action. Je ne comptais pas du tout devenir prof !
  
  Mon objectif, c'était d'intégrer la grande école qui faisait battre mon coeur à cette époque : l'ESM Saint-Cyr, fondée par Napoléon Bonaparte et qui compte au rang de ses anciens élèves le général de Gaulle.
  
  Ayant des facilités avec les matières littéraires, j'ai donc opté pour la préparation du concours par la voie littéraire, afin de mettre toutes les chances de mon côté. C'est ainsi que je me suis retrouvé à 18 ans à recevoir une formation poussée en littérature et philosophie en classe préparatoire aux grandes écoles.
  
  Saint-Cyr amena ensuite dans mon cursus Sciences Po Paris qui amena à son tour un désir de réorientation radicale de mon existence vers d'autres horizons que la sphère publique ou militaire.
  
  L'enseignement s'est alors naturellement présenté comme une activité à la fois source de subsistance et de joie : assurer mon existence matérielle en transmettant mes passions et en rendant service, c'est le grand luxe! :)

• Dites nous-en davantage sur la matière enseignée, sur les thèmes que vous appréciez aborder avec les élèves (et éventuellement ceux qui vous plaisent un peu moins) !

  Mon parcours me permet d'accompagner tant les élèves du secondaire que du supérieur.
  
  Parmi tous mes savoir-faire, se dégagent deux grands pôles d'expertise :
  
  _la dissertation philosophique d'une part
  
  _et le commentaire de texte littéraire d'autre part.
  
  À cela s'ajoute un troisième pôle, celui de l'art oratoire et de l'éloquence qui n'est pas à négliger.
  
  Mes professeurs de classe prépa avaient beau être agrégés, certains étaient de véritables soporifiques. Ils étaient totalement incompétents en matière d'expression orale. Et ce n'est pas de leur faute. Jamais le système ne les avait formés à bien s'exprimer ou encore mieux, à apprendre à leurs élèves à le faire. Et ce, alors même que les oraux des concours littéraires exigent pourtant des candidats de tenir des exposés de 20 minutes !
  
  Ensuite, que ce soit en philosophie ou en littérature, j'aime beaucoup convoquer des exemples d'actualité et recourir à des parallèles avec d'autres arts, notamment le cinéma, la musique, la peinture ou encore la danse. Soulignons aussi le fait que mes expériences artistiques ont considérablement enrichi mes capacités pédagogiques et ma compréhension de l'être humain.
  
  Lorsque l'on passe sa vie dans des choses abstraites, théoriques, on passe parfois à côté de certains aspects pourtant essentiels de l'existence ! Qu'est-ce qu'un texte, ce fils sacré de la faculté de langage de l'être humain ? Et bien c'est seulement en jouant des textes, c'est-à-dire en les incarnant de façon organique, c'est-à-dire dans la matière du corps, que j'ai fini par comprendre ce que c'était réellement. L'art dramatique est de ce point de vue un outil fabuleux : il guide l'individu vers une communion avec le texte. Il offre donc à l'individu une voie permettant de dépasser la seule dimension intellectuelle, si ce n'est scolaire, du texte. L'art de l'acteur propose ainsi à l'individu une exploration intime de la matière sonore et émotionnelle du texte en lui. Ce qui me fait dire, que dans l'école du futur, il y aura autant de cours de français que de cours de théâtre. Afin de faire réaliser aux élèves que le texte est un organisme vivant, et pas seulement un instrument de torture. Même les films et les séries ont tous et toutes une source écrite. Et aujourd'hui, aucun d'entre eux n'est validé sans une assise solide et convaincante du point de vue de l'écriture, ce que l'on appelle le scénario ou le script. En ce sens, il ne faut pas voir les films ou les séries uniquement comme des concurrents de la littérature. Ils sont aussi son dernier rempart puisqu'ils offrent aux mots une chance merveilleuse, celle de pouvoir s'extérioriser dans le visible, et montrer enfin au grand jour la force de vie qu'ils contiennent.
  
  En fin de compte, un jeune lycéen n'a pas besoin d'avoir en face de lui un doctorant déconnecté du réel qui l'assommera en 5 minutes. Il a besoin d'avoir quelqu'un de bien vivant en face de lui. Pour cela, il est souhaitable d'habiter son corps.
  
  Un esprit sain dans un corps sain.
  
  Loin de moi l'idée de vouloir jouer au donneur de leçon (quoi que je sois un tant soit peu un professionnel en la matière:), c'est bien de savoir, c'est encore mieux de savoir transmettre. On ne le dira jamais assez : mot clé : pédagogie. Ce mot a tellement été utilisé à toutes les sauces qu'il est aujourd'hui lisse de chez lisse. Sans un ancrage solide de la part du pédagogue, l'écoute de l'élève propice à l'apprentissage ne saurait être instaurée.

• Parlez-nous de vos modèles, que ce soit un professeur qui vous a marqué ou encore une oeuvre qui vous a inspiré !

  Sans doute mes professeurs de philosophie et de littérature d'hypokhâgne.
  
  Et ce n'est que sur les planches, en tant qu'acteur, que j'ai compris pourquoi ce prof de littérature était tant passionné par sa matière. Acteur, c'est donner vie à un texte, l'incarner. On va plus loin que la matière d'encre des mots, on leur prête une enveloppe physique, celle de l'Homme…C'est seulement en incarnant les textes dans mes tripes que j'ai compris ce que c'était. Qu'est-ce qu'un texte ? La réponse se trouve dans l'expérience, pas dans la théorie. Car la vie c'est avant tout une expérience, et non pas une théorie.
  
  La littérature, c'est la vie. Cela pourrait faire un beau sujet de dissertation.
  
  Si l'écrivain était mort, il ne pourrait pas écrire. Il est vivant donc il écrit. Mais que va t-il écrire ? C'est ça la question. Et la réponse est toute simple : il écrit ce qu'il sent de la vie.
  
  Le roman, la poésie, le théâtre, sont gorgés de sagesse et de vie.
  
  Quant à mon prof de philo, ses cours étaient tellement vivants, ludiques, concrets et passionnants. Il avait cette façon de rendre tout facile et compréhensible en recourant à des exemples concrets, à des images simples. Un jour, un élève lui avait demandé à quoi il servait. Juste ça…En effet, vous ne faites que transmettre ce qui est déjà écrit noir sur blanc dans les oeuvres des grands auteurs. Si je sais lire tout seul, pourquoi ne lirais-je pas tout seul les grands auteurs ? Pourquoi aurais-je besoin de vous ?
  
  Je n'oublierai jamais sa réponse, d'une belle et grande humilité. Pour expliquer le rôle de prof, il a recouru à une métaphore, en s'appuyant sur l'image d'un facteur. Le philosophe rédige une lettre, et le prof est l'être qui vient la délivrer, la poster pour ainsi dire. Et lorsqu'il délivre la lettre dans l'esprit de l'élève, il délivre aussi la lettre de ce qu'elle a de foncièrement incompréhensible, en apparence. Si je devais ajouter mon grain de sel à cette métaphore, je dirais que le prof est une sorte de postier de lettre cryptée. Sans lui, la lettre est indéchiffrable. Elle n'arrive jamais subtilement, spirituellement à destination, même si c'est physiquement le cas. En réalité le prof est aussi indispensable que la lettre elle-même. C'est un maître, une porte d'accès vers ce que le profane ne peut entrevoir ni saisir sans avoir effectué un certain cheminement. Le prof n'est pas la connaissance, mais en fonction de son niveau, il communie plus ou moins avec cette dernière. Il n'est pas le chemin, mais il peut-être une étape du chemin lui-même.
  
  « Un bon maître a ce souci constant : enseigner à se passer de lui ».
  
  André Gide. Merveilleuse citation et c'est là tout le paradoxe. La présence du prof est nécessaire, et pourtant elle vise avec une grande humilité à déboucher sur son absence…Car c'est là le graal de l'enseignement : l'autonomie. Transmettre, puis humblement s'effacer. C'est là aussi le mouvement naturel de la vie : on naît, on occupe le devant de la scène un moment, puis un jour le rideau tombe et l'on cède sa place à d'autres.
  
  Quant à mes oeuvres ou auteurs de prédilection : pour les philosophes Le trio Socrate, Platon, Aristote bien sûr. Leur enseignement est beaucoup plus abouti et réel que ce que laisse entendre l'opinion majoritaire.
  
  Ensuite citons Spinoza et Marx plutôt que Nietzsche. Puis La Boétie, Bergson et enfin Merleau-Ponty, le chef de file en France de la phénoménologie.
  
  Oeuvres littéraires : Céline, « Voyage au bout de la nuit » qui a beaucoup questionné la fascination que j'avais pour la chose militaire et la guerre.
  
  Parmi les grands écrivains qui m'accompagnent le plus : Flaubert, Hugo, Baudelaire, Proust, Voltaire, Beckett, Sartre, Camus…
  
  Bernard-Marie Koltes, Ibsen et Tchekhov
  
  En quoi ils m'influencent ? Je pourrais dire beaucoup de choses là-dessus mais je crois être avoir été assez bavard, il faut que je me modère !

• Quelles sont, selon vous, les qualités requises pour être un bon expert dans votre domaine ?

  Ultimement il n'y a qu'une seule qualité requise : le coeur, la passion. Passion pour la matière enseignée bien évidemment, mais aussi pour l'humain. Car enseigner c'est se consacrer à l'autre, à sa croissance. Pourquoi se consacrer à l'autre si l'autre ne compte pas pour nous ? Et comment le faire grandir intérieurement ? Est-ce que notre discipline peut-elle être une clé, et si oui pourquoi, pour quelles raisons ? Il est donc souhaitable pour un prof de bien connaître pourquoi il transmet ce qu'il transmet. Être techniquement bon dans sa matière ne suffit pas à mes yeux. S'intéresser à l'être humain et à la vie en tant que tels est primordial.
  
  En outre, dans l'idéal un bon prof de lettres doit aussi être un peu philosophe, et un bon philosophe, doit avoir une certaine maîtrise de la littérature. En bref, un bon prof de littérature est aussi prof de philosophie et vice-versa. C'était d'ailleurs le cas de Sartre voire même de Camus. Le philosophe, aujourd'hui a aussi dans l'idéal une bonne culture scientifique.
  
  N'oublions pas, qu'à l'origine, la seule matière en soi, c'est la vie. La vie n'est-elle pas une ? Il va dès lors sans dire que chaque matière se concentre sur une facette de la vie.

• Une anecdote en rapport avec votre métier ou votre scolarité à nous raconter ?

  Allez, non pas une, mais deux pour la route.
  
  La première : l'année dernière, j'ai fait passer à l'un de mes élèves, Maxence, la veille de son épreuve, un oral blanc. J'ai choisi de l'interroger sur l'Albatros de Baudelaire. Et le lendemain, le jour de son oral de français donc, il tire au sort l'Albatros de Baudelaire. Il a eu 18.
  
  La deuxième : l'été dernier, je suis contacté par une Maman pour donner des cours de philosophie à sa fille L. en vue de la session de remplacement du BAC de septembre. Cette dernière, suite à des problématiques personnelles, avait été déscolarisée et n'avait quasiment pas eu de cours de philo de toute l'année : elle avait stoppé le lycée en octobre. Peu motivée car croyant n'avoir aucune chance de décrocher son BAC, L. a reculé au maximum la date de notre premier cours, jusqu'à la repousser quasiment à la veille de ses épreuves.
  
  En 3H de cours de philo seulement, L. a obtenu la note de 12 et intégré l'école d'art de ses rêves avec la mention AB en poche. Une véritable performance. Je précise qu'elle avait pris la dissertation.

• Vous pouvez maintenant nous rassurer et nous avouer que vous aussi, vous avez déjà connu des difficultés à l'école…

  En classe préparatoire, j'ai eu la première année un 1 à l'écrit en philosophie. Pour majorer ma classe et même le concours 2 années plus tard avec un 17. Passer de 1 à 17, être dernier un jour, puis premier un autre, cela m'est arrivé, c'est la roue de la fortune, la roue de la vie. Je me sers souvent de cet exemple pour faire prendre conscience à mes élèves que tout est possible, et qu'accepter de partir « d'en bas » fait partie du processus naturel d'apprentissage de toute chose, et pas seulement dans le domaine scolaire ou académique. Prenez par exemple un élève qui débute l'apprentissage du piano…

• Aidez-nous à vous connaître un peu mieux en évoquant vos passions (que vous partagerez peut-être un jour via Superprof).

  J'ai une expérience professionnelle de comédien. Je suis référencé sur la plateforme IMDB. Cela a beaucoup enrichi mon parcours d'enseignant et mon instinct en matière de pédagogie en français et en philosophie. Cela m'a aussi permis de développer une expertise en coaching pour les oraux.
  
  Enfin, j'ai aussi une pratique musicale intense. La musique, l'art du son, occupe une place prépondérante dans mon quotidien. J'écris également, bien que mes projets de roman et de pièces de théâtre soient pour le moment tous en suspens.

• Qu'est-ce qui fait de vous un Superprof (en plus d'avoir répondu à cette interview) ?

  Justement, cela peut sembler contre-intuitif mais je ne me dévoue pas entièrement à la vie de l'esprit, à la vie théorique.
  
  En théorie, pourrait-on dire, tout est question d'équilibre, et cela vaut donc pour la théorie. Le serpent se mord la queue, voyez-vous ? C'est comme le paradoxe du menteur.
  
  Je m'explique. La théorie n'est pas intéressante en soi. C'est la réalité qui est intéressante et seul le réel est susceptible d'intéresser, voire de captiver un ado. Et c'est la réalité contenue dans une théorie, qui en fait une bonne théorie.
  
  Les parents paient, un résultat est légitimement attendu, et je n'ai pas pour habitude de les décevoir.
  
  Celui qui croit que la philosophie, ce n'est que de la théorie, peut-il vraiment enseigner la philosophie ? Idem pour la littérature.
  
  Quoi de plus captivant que le réel ? Cela ne veut pas dire que l'imaginaire n'est pas intéressant. Car justement ce serait croire qu'il n'y a rien de réel dans l'imaginaire… Or c'est justement ce qu'il y a de réel dans l'imaginaire et dans l'art qui nous touche.
  
  Je suis donc très pragmatique. J'ai compris la réalité concrète de ces matières, et j'accompagne mes élèves afin qu'ils puissent la toucher eux aussi.
  
  Ce soucis du concret, sans lequel l'élève ne peut s'intéresser à la matière; et bien il se ressent dans les résultats que j'obtiens : beaucoup d'élèves partis de plus bas franchissent la ligne d'arrivée avec 16 ou plus.
  
  Je n'aborde donc pas la littérature et la philosophie uniquement d'un point de vue théorique et universitaire, bien que je sois diplômé d'un master d'une des grandes écoles les plus prestigieuses. Le système de l'université est une institution sociale. Cela étant, la quête de sagesse est quelque chose d'authentique qui ne peut être emmurée par des normes organisationnelles et fonctionnelles. Elle dépasse de loin tout cela. Par le biais de ce que l'on appelle communément le développement personnel, qui n'est rien d'autre qu'une façon plus contemporaine de nommer la quête de sagesse, j'approfondis et j'actualise continuellement mes connaissances philosophiques de façon très pratique. C'est notamment grâce à cela que j'ai développé cette capacité à faire progresser si rapidement mes élèves et que j'obtiens les résultats que j'obtiens.
  
  En un mot, non pas seulement penser sa vie mais aussi vivre sa pensée.